Les PJs sont engagés par un Maître Démoniste de Serpent-Azur, la mystérieuse école de magie du Norrenwelt, pour conduire un enfant au Westmark, une province reculée du royaume. Il traversent une forêt enchantée, puis deux villages du Westmark, et comprennent que l'enfant est la progéniture d'un puissant démon appelé Radzlom et d'une jeune fille westmarkienne. Ils constatent également que cet enfant est la pierre angulaire d'un complot du Margrave, le représentant local de l'autorité princière, pour déclencher une nouvelle guerre entre les colons norriens du Westmark, et les Zvols, une mystérieuse population mi-humaine mi-démoniaque. L'enfant-démon pourrait en effet donner aux Zvols l'espoir de voir revenir Radzlom lui-même, qui avait jadis été enfermé dans une grotte par quatre Runenmeister (Maîtres des Runes, les prêtres de la religion norrienne) lors de la précédente guerre entre Zvols et Norriens. Sollicités par le Margrave pour participer plus avant dans le complot, les PJs devront alors choisir leur camp. Le plan du scenario est assez linéaire jusqu'à ce que les PJs livrent l'enfant au Margrave et accomplissent ainsi leur mission, mais ensuite tout dépendra des choix des PJs et le MJ devra improviser suivant leurs décisions.
L'action se déroule dans le Westmark, cette terre qui - bien qu'appartenant
en théorie au royaume du Norrenwelt - échappe encore au contrôle humain, et d'autant
plus au contrôle
royal. Observez la carte ci-contre : il s'agit de la région sud du Westmark,
limitrophe de Runnland et du Janing. On l'appelle la région de Vitskogen,
en référence à la forêt enchantée du même nom, lieu hanté par les créatures
du Peuple-Fée et hostile à la présence humaine. La ligne des récifs à
l'occident
empêche les navires d'accoster, obligeant les colons westmarkiens qui
veulent se rendre
au Janing à traverser
la forêt de Vitskogen le long de l'unique sentier qui soit considéré
comme à peu près
sûr, étroite route humaine serpentant au milieu d'arbres gigantesques,
comme une concession du Peuple-Fée aux Norriens négociée dit-on par les
Runenmeister. Gare cependant à quiconque s'éloignerait du sentier! Car
le Peuple-Fée
ne dort jamais.
En dépit de ces dangers d'intrépides pionniers se sont jurés de coloniser
cette terre encore sauvage. Ils ont chassé les clans gobelins qui y vivaient,
et ont commencé à s'attaquer à la grande forêt du Westmark pour
dégager des terres
cultivables. Leur expansion a commencé là où se dresse aujourd'hui la
forteresse princière de Rabenheim et s'est trouvée arrêtée au sud par
la forêt enchantée de Vitskogen, que le Peuple-Fée a défendu avec une
violence capable de rivaliser
avec la leur, et au nord par les Collines Brûlées.
Les Collines Brûlées, ainsi appelées en raison des pics noirâtres
qu'on peut observer de
loin, s'élevant selon des formes torves et fort peu naturelles à l'œil
des mortels,
hébergent une population particulière, considérée à tort
comme inhumaine par les pionniers :
les Zvols. Les Zvols (de "zvolotch" qui signifie "bâtard" en démoniaque)
sont en fait une population d'enfants-démons, c'est-à-dire d'humains partageant
un sang démoniaque. Les pionniers racontent à leur endroit
d'abominables histoires :
ils auraient massacré, violé et même dévoré des villages entiers de
colons, contraignant
ceux-ci en retour à de brutales expéditions punitives afin de les
repousser dans
les vallées encaissées des Collines Brûlées où ils échappèrent malheureusement
à l'extermination totale.
Les colons norriens de cette région du Westmark sont donc accoutumés à faire
couler le sang plus ou moins humain pour défendre la terre qu'ils ont conquise.
Ils étaient pour la plupart serfs ailleurs dans le royaume avant
d'arriver au Westmark
et ont été libérés du servage par l'or du roi Wolf, désireux de peupler
ce domaine qu'il voulait placer sous l'autorité de son fils Karl en matière
d'apprentissage du métier de roi. Ainsi la couronne considère les
pionniers westmarkiens comme ses débiteurs, alors que ceux-ci estiment qu'ils
doivent leur présence sur ces terres arrachées de haute lutte à leur
combattivité
et au sang qu'ils ont versé,
car il est vrai que la couronne a envoyé peu de troupes à leur secours,
si ce n'est pour fortifier Rabenheim. Ainsi les Westmarkiens se
considèrent comme libres
de toute obligation envers la couronne, notamment fiscale. Skol, Zorn, Hjärt,
Nah et Grünberg, leurs cinq bourgades fortifées, ont formé un
Thing (conseil d'hommes libres), gouverné en pratique par les fermiers
et marchands
les plus riches de la région. Ce Thing se considère comme appartenant au
royaume mais de manière toute théorique. Le Westmark est censé être un Jarl
comme les autres, sous l'autorité du Prince héritier du Norrenwelt,
mais l'autorité princière ne s'exerce de fait que sur la cité
fortifiée de Rabenheim,
occupée par des troupes princières et placées sous la gouverne d'un
Margrave, vassal
du Prince.
Le décor est donc posé : des colons courageux mais bornés face à des menaces
qu'ils ne comprennent pas, un pouvoir royal cherchant à réaffirmer son autorité
sur ceux-ci, et nos vaillants aventuriers saisis dans la tourmente.
Nous sommes au printemps 633. Neuf années plus tôt la bourgade de Nah
fut victime d'une
attaque des Zvols, au cours de laquelle furent enlevés une dizaine
d'adolescents du village
des deux sexes. Nul ne sait
parmi les Norriens pourquoi les Zvols prirent la peine de les enlever vivants,
eux qui d'ordinaire se contentaient de tuer. Les gens de Nah avaient
renoncé à jamais
revoir leurs enfants quand un groupe de quatre Runenmeister venu du
Runnland arriva et
demanda aux plus courageux des colons de les accompagner dans les
Collines Brûlées pour
reprendre les jeunes gens au "peuple impur".
Parmi ces quatre Runenmeister les colons se souviennent surtout de
Galdur, qui semblait
être leur chef ou leur porte-parole, les trois autres n'ayant pas
échangé la moindre parole avec
les colons. Comme tous les Runenmeister ces sauveurs inattendus
inspiraient autant de
crainte inquiète que de respect, mais ces trois Runenmeister qui ne
s'exprimaient
que dans la langue runique éveillaient en plus un étrange et puissant
sentiment de malaise.
Pourtant une vingtaine de colons courageux les rejoignirent, et au
terme d'une mystérieuse
expédition punitive d'une semaine, la moitié des adolescents
put être rendue à leurs parents, les autres étant selon les
Runenmeister et les colons survivants
déjà morts. Les Runenmeister ne donnèrent jamais aucune explication
sur ce qui s'était passé et
les survivants refusèrent tous d'en parler. Les gens de Nah
supposèrent que les Runenmeister
avaient exigé d'eux un silence absolu et renoncèrent à en savoir plus,
car on ne saurait exiger
quoi que ce fût de la part des interlocuteurs des
Ases.
L'une des jeunes filles ainsi sauvées se nommait Brynja. Elle avait
alors quatorze ans et
était revenue enceinte.
Brynja était la fille de Thorgal Olafson, l'un des fermiers les plus
importants
de Nah, aussi lorsque son état apparut de manière évidente, ses
parents redoutèrent que
le fruit de ses entrailles fût de nature démoniaque. Horrifiés à
l'idée que Brynja
mît au monde un enfant-démon, ils commencèrent par la maintenir enfermée,
prétendant qu'elle était atteinte d'une maladie très contagieuse.
Ils essayèrent de l'interroger sur ce qui lui était arrivé, mais comme tous les
autres adolescents enlevés ainsi que ceux qui avaient participé à
l'expédition de
sauvetage, elle resta muette sur le sujet. Entretemps Galdur et ses
trois compagnons avaient
regagné le Runnland et aucun Runenmeister n'étant encore installé au
Westmark, les
parents de l'infortunée Brynja se retrouvèrent seuls face à l'inconnu.
Quel monstre
pouvait naître du ventre de leur fille?
C'est alors qu'intervint Théophile Manassé, Maître en magie démoniaque
à l'école de
Serpent-Azur. Les Westmarkiens n'avaient pas songé à faire appel à lui
par méfiance
envers ces mages étrangers retranchés derrière les murs de leur école,
ou tout simplement
par pure ignorance. Mais les chants des Scaldes ont raconté la
tragique et héroïque
histoire de ces enfants arrachés aux griffes des hommes-démons...
jusqu'à arriver aux oreilles
de quelques-uns des élèves de Serpent-Azur, lors d'une quelconque
soirée de beuverie estudiantine
dans les tripots de Kristania. Théophile Manassé apprit ainsi
l'existence des Zvols et
s'empressa de se rendre sur place afin d'étudier cette étrange affaire
de plus près.
Il se fit passer avec quelques-uns de ses élèves pour un marchand
orgète du nom d'Italo Vespucci,
et se rendit à Nah, en prétendant être en quête de trophées pris aux
enfants-démons pour leur
valeur alchimique. Ses pouvoirs magiques aidant, il finit par
apprendre l'existence de la
malheureuse Brynja alors qu'elle était déjà enceinte de six mois. Sans
révéler qui il était
il prétendit connaître des alchimistes aptes à traiter un cas de ce
genre tout en les effrayant
par des histoires de mères mortes à l'accouchement de ce genre de
créature monstrueuse. Au demeurant
il est exact que certains enfants-démons tuent leur mère à la
naissance et il dispose
de fait d'une réelle connaissance en la matière. La famille accepta et
Maître Manassé emmena avec lui
la jeune fille en grand secret jusqu'à Kristania pour la garder
jusqu'à terme au sein de
la Chambre Cramoisie de Serpent-Azur, c'est-à-dire la section de
l'école enseignant le démoniaque,
sur laquelle Maître Manassé a un pouvoir contrebalancé uniquement par
celui de l'Archimage Clarensia
elle-même.
Manassé rendit Brynja à sa famille quelques mois plus tard, vivante et
délivrée de son
encombrant et inhumain fardeau. Il se contenta de dire que le monstre
avait été tué à la naissance
et la famille de Brynja n'en demanda pas plus. Brynja ne parla jamais de
ce qui lui était arrivé là-bas non plus et
finit par reprendre une vie normale, se maria et eut des enfants humains.
Mais évidemment l'enfant de Brynja est bien vivant, à l'insu de
celle-ci d'ailleurs. Il est en réalité resté caché
dans les dimensions secrètes de la Chambre Cramoisie, et a grandi sous
l'œil averti et passionné de Maître Manassé
et de ses élèves les plus doués. Le jeune Erik - c'est le nom qui lui
fut donné - est en effet plus qu'un
simple enfant-démon. Il porte en lui le sang d'un puissant démon nommé
Radzlom, et c'est ce qu'a détecté
en lui Maître Manassé.
Radzlom (littéralement "heureux par le Mal") est un Seygneur des Abysses (un démon particulièrement
puissant disposant d'un domaine dans les Abysses et capable de commander
et de créer d'autres démons; cf. Démons)
qui apprécie le commerce charnel avec les mortels car c'est un moyen qu'il a trouvé de s'attacher
les âmes de leur descendance. Il n'est cependant
pas à l'origine du peuple hybride des Zvols et son influence sur eux
est récente.
Et c'est cet enfant qui sera la pierre angulaire de la terrible intrigue qui va se nouer
au printemps de l'an 633 de la Chute.
Galdur n'est pas un Runenmeister quelconque, il fait partie des rares
Runenmeister liés au dieu Loki. C'est d'ailleurs pour cela qu'il fut envoyé
par les Runemeister pour récupérer les jeunes gens enlevés par les Zvols.
En effet, le conflit entre les colons norriens et les Zvols
était au départ un banal - quoique particulièrement
brutal et cruel - conflit de voisinage, rien qu'un surcroît de violence
ne pût résoudre à terme. Quoique
les Zvols fussent pour les Runenmeister des aberrations, ils étaient
finalement moins menaçants que les colonies gobelines parce que peu
susceptibles de se multiplier plus vite que les Norriens eux-mêmes,
puisque leur biologie est fondamentale humaine.
Les enlèvements de jeunes gens
des deux sexes furent en revanche un événement beaucoup plus inquiétant.
En effet, si les Zvols avaient en eux du sang démoniaque, il était en principe
amené à s'affaiblir peu à peu avec le temps à moins de reprendre
un commerce charnel avec des démons. Or les Runenmeister
savaient que les démons eux-mêmes ne hantaient plus le pays depuis
longtemps. Ainsi le rapt des adolescents
fut interprété comme un signe de la présence de nouveaux démons dans
les Collines
Brûlées, désireux de mêler leur sang à celui des hommes et réclamant pour cela
des partenaires "purs", car le croisement de plusieurs origines démoniaques
n'est en général pas viable sous forme mortelle.
Les Runenmeister décidèrent donc de juguler cette menace au plus vite,
quête périlleuse mais surtout ardue, car les démons sont fort peu
connus des Runenmeister
et des Ases, à l'exception de Loki justement. Ainsi, comme il est
maintes fois raconté
dans les sagas nordiques, on fit une fois de plus appel aux connaissances et
à la ruse du sulfureux Loki de sinistre
réputation pour une tâche dangereuse et difficile. Galdur, qui était alors le
Runenmeister lié à Loki le plus puissant, accepta de s'en charger à
une condition cependant :
qu'on lui confiât pour cette fois les trois Frères-Panique,
c'est-à-dire les trois
Runenmeister maudits, rendus fous par leur lien à Loki justement.
Ces trois Runenmeister se rendirent tristement célèbres au cours du
Walpurgis de l'année 616,
en se livrant à des massacres en apparence aveugles et insensés sur
des villages de paysans
dans le Nordmark. Il arrive que les Runenmeister commettent des crimes mais
il s'agit en principe de cas isolés, et tout le monde s'accorde en
général à considérer
qu'il y avait une raison à cela, par exemple que la victime avait
offensé les Ases d'une
manière ou d'une autre. Mais que des villages entiers dussent
disparaître par le fer, le feu, et
l'apparition de créatures démoniaques, sortait manifestement du niveau
jugé comme acceptable de violence
arbitraire.
Il fallut une expédition menée par le roi Wolf lui-même accompagné de
son jeune fils Karl pour en venir à bout,
au terme de laquelle les trois immortels furent envoyés au Runnland
pour y être pendus au Wotanshahn, le plus
ancien Irmensul du Norrenwelt, celui que les premiers Runenmeister
arrivés au Norrenwelt trouvèrent, et
interprêtèrent comme un signe que les Ases leur destinaient cette
terre à eux ainsi qu'à leur peuple.
Ils ne peuvent mourir mais un puissant enchantement runique les
maintient prisonniers du Wotanshahn.
Mais Galdur parvint à obtenir qu'ils fussent libérés le temps
d'accomplir la mission qui lui avait été confiée :
récupérer les jeunes gens enlevés mais surtout vaincre Radzlom. Pour
cela il fallut le pouvoir de Loki s'exprimant pleinement
à travers ceux qui étaient de fait les plus proches de lui : les trois
Frères-Panique, parmi lesquels
se trouvait Maïlith, frère cadet du prince Karl... Galdur et ses trois
monstres parvinrent à enchaîner Radzlom
sous sa forme native avec des chaînes d'or enchantées et à l'enfermer
dans une grotte, à la frontière
entre les Collines Brûlées et le Runnland, qu'ils scellèrent définitivement.
Ces chaînes sont couvertes de runes futhark maintenant le démon
prisonnier et la grotte est scellée d'une trappe de fer.
Les trois Frères-Panique furent alors rendus au Wotanshahn, mais les
Ases leur accordèrent de perdre conscience
au lieu de ressentir la souffrance de la pendaison.
Loki accomplit une fois de plus l'ouvrage que les autres dieux lui
avaient demandé, mais il choisit d'introduire lui-même
un accroc dans la trame, un élément imprévu qui lui permettrait le cas
échéant de reprendre la main plus tard. Loki
sera l'adversaire des autres dieux lors du Ragnarok, et il a laissé à
chaque occasion où les Ases ont fait appel
à lui un levier dont il compte bien se servir le moment venu. Les
trois Frères-Panique seront essentiels au jour
du Ragnarok, aussi a-t-il prévu de les libérer de la même manière
qu'ils le furent pour combattre Radzlom. Il ignorait
la clef de l'enchantement qui les maintenait prisonniers mais leur
libération provisoire allait lui donner l'occasion
de l'apprendre. Galdur avait donc pour mission de comprendre la nature
de l'enchantement liant les Frères-Panique au Wotanshahn
tout autant que de vaincre Radzlom.
Mais évidemment les autres Runenmeister s'y attendaient, et une fois
de plus le jeu pervers opposant
la ruse de Loki au pouvoir des autres Ases se joua par l'intermédiaire
de Galdur et de ses confrères
Runenmeister. Les Runenmeister surprirent d'abord Galdur en
l'autorisant à assister à la cérémonie
de libération des Frères-Panique, et le laissant observer tout à son
aise la manière dont ils défirent leurs
liens magiques. Ainsi Galdur apprit la formule runique qui lui permettrait plus tard
de libérer les Frères-Panique.
Galdur bénéficait d'un enchantement runique très puissant, mis en
place par Loki lui-même, qui le protégeait de toute forme de
dégât matériel par une arme quelconque. Galdur se croyait donc
paré à toute traîtrise de la part de ses confrères, car s'ils essayaient
de s'en prendre à lui ce serait sans doute d'abord par les armes, et
sans doute en-dehors de la terre sacrée du Runnland. Mais
Galdur ignorait un fait tout simple : les Runenmeister connaissaient
ce pouvoir qui le protégeait, en raison d'une indiscrétion de la déesse
Hel, fille de Loki qui aborrhe les démons en général ainsi que
les Frères-Panique. Sur le conseil d'un Totenmeister donc, les
Runenmeister surprirent Galdur alors qu'il dormait dans une ferme
sur le chemin de Kristania où il se rendait après avoir ramené les Runenmeister
au Runnland, bien décidé à revenir les chercher le moment venu.
Plutôt que de l'attaquer avec des armes, les Runenmeister brûlèrent vif Galdur et
ensuite massacrèrent la famille de fermiers afin de ne laisser aucun témoin.
La ferme toute entière flamba comme une torche et les paysans des environs
n'osèrent rien reconstruire.
Le terrain de la ferme redevint un champ qui resta abandonné, et du blé sauvage poussa
sur les cendres des morts. Pour les Runenmeister la menace était contenue
et la clef runique à nouveau connue d'eux seuls. Mais les runes perdurent. Et comme
le disent les chants des Runenmeister eux-mêmes elles sont en toute chose : sur la patte
du loup, sur la roue lorsqu'elle tourne, sur les rayons du Soleil etc... Ce blé sauvage
qui avait crû sur les cendres de Galdur portait en lui
les runes de cet enchantement pour lequel il était mort.
Ce blé ne fut jamais récolté jusqu'à l'été 632, à la fois en raison de la crainte qu'il
inspirait que du fait que le blé sauvage est d'une qualité comestible fort mauvaise.
Mais une nuit d'août 632 un homme arriva au village (qui s'appelle
Käla) et demanda l'hospitalité dans une ferme voisine
et se fit raconter au cours du souper l'histoire de cette terre
maudite. C'était un jeune homme vêtu de rouge et de noir, aux longs
cheveux blonds et
bouclés, d'une beauté parfaite, presque inhumaine, aux yeux bleus
animés d'une étrange étincelle de cruauté. Il insista
pour repayer ses hôtes de leur générosité en allant récolter le fameux
blé qui allait pourrir sur sa tige
dès septembre. Les fermiers refusèrent mais le jeune homme insista
tant et si bien qu'ils lui prêtèrent une
faucille et un fléau. De toutes manières il n'aurait certainement pas
le temps d'en récolter beaucoup
avant la nuit, encore moins de le battre. Mais le jeune homme ne
dormit point. Il revint à l'aube suivante
avec la faucille, le fléau... et quelques sacs de blé prêt à être
moulu, puis s'en fut comme il était venu.
Surpris mais désireux après tout de ne pas perdre le bénéfice de ce
blé puisque le plus dur avait été fait, les fermiers
envoyèrent ce blé maudit au moulin avec leur propre récolte. On tira
contre toute attente de ce blé une farine d'excellente qualité
qui fut vendue à des mercenaires de passage.
Ce terrible secret pourra peut-être ressurgir selon les choix des PJs.
L'histoire eût pu en rester là. Après tout Radzlom est enfermé, les
Frères-Paniques rendus à leur châtiment
éternel et Erik l'enfant-démon est entre les mains du plus grand mage
démoniste du royaume... Mais c'est là que
la politique intervient.
Njáll Leifson, le margrave de Rabenheim, est un ambitieux personnage
qui entend bien mettre au pas les habitants de
la Marche de Vitskogen. Un Thing rassemblant les représentants des
cinq bourgades
fortifiées est prévu à l'occasion du solstice d'été de l'an 633. De
nombreux mariages seront célébrés à l'occasion de cette
fête qui commémore les épousailles de Thor et de Sif. Njáll Leifson
lui-même sera présent à cette occasion et exigera des
Westmarkiens qu'ils se soumettent à l'autorité princière, c'est-à-dire
qu'ils acceptent de payer des impôts. Il sait que leur
réponse sera probablement négative, et a prévu d'influer sur leur
décision par un odieux stratagème.
Les Westmarkiens se considèrent comme indépendants de fait car dans
l'ensemble ils ont jusqu'à présent assuré
seuls leur sécurité, si l'on excepte l'épisode des Runenmeister,
lesquels ne sont pas perçus comme
relevant de l'autorité royale. Seule la citadelle de Rabenheim est en
pratique protégée par les troupes du Margrave.
Estimant qu'ils n'ont pas besoin de la protection de celui-ci, ils
n'ont nulle intention de lui verser une quelconque
taxe. De fait ils parviennent à maintenir les Zvols à distance depuis
neuf ans sans l'aide de personne, sans avoir toutefois
pu s'en débarrasser définitivement. Le Margrave Njáll Leifson a décidé
de faire d'une pierre deux coups :
écraser les Zvols et rabattre le caquet des Westmarkiens en leur
montrant qu'ils ont besoin de l'autorité
princière. Tout d'abord il compte amener les Zvols à reprendre des
campagnes particulièrement violentes
et agreassives à l'égard des Westmarkiens, et les pousser même à raser
Nah ou une autre des cinq villes rebelles,
pour ensuite les écraser avec ses troupes, sauvant les Westmarkiens de
l'extermination et prouvant ainsi
la nécessité d'une protection royale.
C'est pour la première phase de son plan qu'il a justement besoin du
jeune Erik. Njáll Leifson connaît Maître Manassé car il
fut l'un de ses premiers élèves mais quitta Serpent-Azur au bout d'un
an. Si Njáll Leifson était un piètre apprenti-mage,
il est en revanche un chef de guerre habile et impitoyable, et
notamment un assez bon juge de caractère. Il a reconnu Maître Manassé
lorsque celui-ci est venu à Nah sous l'identité d'un marchand orgète
et se doute que le fruit des entrailles de l'infortunée
Brynja n'est pas perdu pour tout le monde. Au cours de l'hiver
précédent, Njáll Leifson a recueilli un jeune
homme du nom d'Oddgeir Daggson de 25 ans qui avait apparemment marché
depuis Grünberg jusqu'à Rabenheim "pour voir la mer" et
avait failli mourir de froid dans la neige. Fils de Daggur
Main-Lourde, l'aubergiste de Grünberg, il a participé à l'expédition
dirigée par les Runenmeister et en est revenu manifestement fou selon
sa famille. Mais Njáll Leifson a reconnu chez lui
les symptômes d'une possession démoniaque en narcose active,
c'est-à-dire qu'il porte un démon en lui qui
sans pouvoir véritablement prendre possession de lui l'influence
suffisamment pour lui faire tenir des propos
incohérents et parfois même l'entraîner dans de violentes crises de
démence. De fait le malheureux Oddgeir est devenu véritablement
fou à force de porter cette odieuse présence en lui. Personne dans le
Westmark ne connaît la véritable nature de son affliction
et le Margrave s'est bien gardé d'en parler à sa famille... Car ce
démon est lié justement à Radzlom et dans les propos en apparence
insensés du jeune homme transparaît à une oreille avertie des
avertissements prophétiques concernant Radzlom et son fils Erik à
Kristania. Radzlom attirerait bientôt à lui son enfant pour que
celui-ci prenne le contrôle des
Zvols et le libère ensuite de sa prison. L'ignoble hobereau se mit
alors en tête d'utiliser Erik pour réveiller les Zvols de
leur relative apathie : puisqu'ils avaient jadis servi Radzlom,
pourquoi ne reconnaîtraient-ils pas sa progéniture?
Il proposa donc à Maître Manassé à l'occasion d'un voyage à Kristania
le marché suivant : qu'Erik lui soit confié, en échange de quoi
il s'engageait à partager avec le mage ses prises de guerre sur les
Zvols : prisonniers et butin, ce qui ne pouvait manquer
évidemment de l'intéresser. Bien entendu le Margrave n'a nulle
intention de libérer Radzlom lui-même et compte bien
écraser les Zvols bien avant qu'ils aient pu tenter quoi que ce soit.
Mais Maître Manassé en revanche espère justement
libérer Radzlom pour le capturer lui-même. Il a donc accepté en
apparence le marché du Margrave mais compte bien tirer
son épingle du jeu. Et c'est pour ne pas éveiller la méfiance de son
rusé partenaire qu'il enverra un parti d'aventuriers
conduire Erik jusqu'à Rabenheim plutôt que de le faire lui-même. Il a choisi
Yr tout d'abord en raison de sa dette envers l'école mais aussi parce qu'elle parle le démoniaque
sans être elle-même magicienne, ce qui fait d'elle la parfaite escorte : elle sera
à même de se faire comprendre et obéir d'Erik, mais n'aura pas d'intérêt propre
à se servir de lui si jamais elle venait à connaître sa vraie nature.
Quelques points essentiels seront bien entendu inconnus des PJs au début :
- L'améthyste qu'Yr a récupérée à Lördag lui est parfaitement
inconnue et pour cause : elle
n'a jamais appartenu à sa mère. L'améthyste vient en fait de Manassé
lui-même qui a magiquement modifié les souvenirs du
paysan qui s'est occupé de la dépouille mortelle de sa mère afin qu'il
lui transmette ce patrimoine frauduleux. L'améthyste
est magique et un texte démoniaque est inscrit à l'intérieur de
l'améthyste, mais si finement que seule
une loupe permet de s'en rendre compte. La nature magique de
l'améthyste est très discrète et ne sera perçue par
Yr (ou n'importe qui d'autre ayant la bague en main)
que si elle réussit un jet de la compétence Identification de la
magie égal au minimum à 25. Yr elle-même a donc peu de chances
de détecter la vraie nature de cette bague, mais Ighieras et Sveinn en
revanche en sont beaucoup plus susceptibles. Par-contre
elle seule pourra lire la nature de l'enchantement : il permet à
Manassé d'observer et d'entendre par l'améthyste, mais
aussi de se rendre où elle se trouve par affusion. Manassé compte bien
l'utiliser pour surveiller ce qui se passe autour d'Erik le
temps du voyage
et la récupérer ensuite.
- Oddgeir Daggson porte en lui un démon du nom de Sto Let
("cent ans" en démoniaque; cf. Démons), démon-servant
de Radzlom qui l'accompagna dans son voyage chez les Zvols. Sto Let a
tenté de prendre possession du malheureux Oddgeir mais
s'est retrouvé en narcose. C'est la raison pour laquelle il a échappé
à la sagacité de Galdur et des
Runenmeister. Nul à Grünberg n'a la moindre idée de ce qui lui est
arrivé. À certains moments il parlera
en démoniaque sous l'influence de Sto Let et pourra révéler certaines
informations essentielles aux PJs, notamment
au sujet de ce que le Margrave Njáll Leifson lui a fait dire, de
Radzlom lui-même, et surtout d'Erik. S'il voit Erik,
Sto Let le reconnaîtra et tentera de se faire connaître de lui comme
"loyal serviteur de son père". Sto Let est
un démon particulièrement servile qui attend que son maître Radzlom le
libère de sa prison de chair.
- Le mystérieux jeune homme venu à Käla pour récolter le blé
maudit n'est autre que Loki lui-même,
désireux de révéler les runes de l'enchantement tenant les
Frères-Panique prisonniers du Wotanshahn. Loki
est un dieu joueur, qui aime à s'en remettre au hasard. Il a agi sans
savoir ce qui allait se passer, mais se contente en quelque sorte
de relancer la partie avec les Runenmeister. La farine tirée du blé
maudit portait en elle les runes
mystérieuses, qui réapparurent sous la forme d'un tatouage sur la peau
de l'infortuné Ragnar quelques heures après qu'il
eut mangé de la bouillie faite avec cette farine. Les runes sont
apparues peu à peu pendant le temps qu'il a passé
dans la forêt, plongé dans un cauchemar dont il n'a aucun souvenir
mais qui lui raconta l'histoire des Frères-Paniques, de
Galdur jusqu'à sa mort et de l'intervention de Loki. Mais ces secrets
sont trop profondément enfouis
dans la mémoire de Ragnar pour qu'il puisse s'en souvenir de manière
consciente. En tous cas Loki protège en effet
le texte qu'il a révélé à travers Ragnar, et détourne de celui-ci les
coups mortels. Ragnar ignore la teneur du texte
mais pourra se la faire lire par un Runenmeister le cas échéant :
"Le haut frêne
vacille et ses frondaisons tremblantes
font danser ceux qui sont y sont pendus. Trois ombres presque humaines
et parmi eux le fils d'un roi. Tant que l'arbre
tient c'est au bout de nos cordes que nous vous gardons. Car Lodur
nous donna les couleurs de la vie, et nous savons
contrefaire sa voix.
". Le sens de cet enchantement est que Loki (désigné sous son nom
antique Lodur) ayant participé à la création des hommes,
ceux-ci peuvent "contrefaire sa voix", en l'occurrence acquérir un
contrôle suffisant sur les Frères-Paniques
pour les maintenir prisonniers, attachés au Wotanshahn qui en tant
qu'Irmensul est
un symbole du Frêne Yggdrasil lui-même. Évidemment ce texte paraîtra
particulièrement obscur
aux PJs au début, mais s'ils s'y intéressent ils auront la possibilité
de le comprendre au fur et à mesure de la partie.
- Les Zvols sont une population humaine mais teintée par
du sang démoniaque. Cette nature hybride se manifeste tout d'abord par leur apparence
qui peut être à peine étrange ou franchement monstrueuse suivant les cas.
Leur culture et leurs habitudes de vie sont également très particulières.
Leur langue maternelle est le démoniaque, et quoiqu'aucun d'entre eux ne
soit mage démoniste, certains bénéficient de pouvoirs de magie naturelle
hérités de leur ancêtre démoniaque. Contrairement à ce que
suspecte Maître Manassé ils ne descendent pas tous d'un même démon, mais
au contraire proviennent de croisements très variés. Leur société est d'ailleurs
séparée en cinq tribus : celle de la Mère, celle de la Reine-Esclave, celle du Menteur,
celle du Tueur et celle du Voyageur, correspondant aux cinq principes abyssaux
(cf. Démons), et chaque lignage zvol appartient à la tribu associée au
principe dominant chez son ancêtre démoniaque. La tribu de la Mère est censée
être la tribu dirigeante, celle de la Reine-Esclave rassembler toute l'activité
religieuse et divinatoire des Zvols, celle du Menteur ses connaissances, celle du Tueur sa force de frappe
et enfin celle du Voyageur ses interactions avec l'extérieur. Les Westmarkiens l'ignorent,
mais pour la plupart ils n'ont jamais rencontré que des membres des tribus du Tueur et
du Voyageur. La société zvol, quoique déroutante et très fruste dans son
fonctionnement, n'est pas le ramassis de monstres inhumains et désorganisés
que les Westmarkiens
s'imaginent.
Mais les Zvols sont des hommes malgré tout. Il faut les imaginer comme une population
à demi-folle à bien des égards, mais humaine. Ils vénèrent les cinq principes
abyssaux à la manière de divinités (ce qu'ils ne sont pas) et leurs valeurs sociales et éthiques
s'en ressentent : la vie n'a pour eux aucune valeur si elle ne suit pas au moins l'un de
ces cinq principes. Leur Teinte Spirituelle est une forme de fanatisme
très particulier. Ils ont une compréhension très instinctive mais très aiguë
de Tiamat, Ereshkigal, Bêlit-Séri, Nergal et Namtarou, qui n'ont rien de divinités
révélées mais inspirent leurs actions et leur manière de penser.
Ainsi pour eux
la société doit être capable de remettre en cause régulièrement ses certitudes
et la véritable solidité réside dans la capacité à tout détruire pour tout reconstruire
du jour au lendemain. Ils n'ont donc pas de
lois bien établies et régulièrement quiconque est autorisé à
remettre en cause à tout moment le droit coutumier pour proposer une nouvelle
règle. Le choix ou non d'adopter cette nouvelle règle
se fait en général à main levée sur l'impulsion du moment.
C'est en cela qu'ils servent le principe de Tiamat, qu'ils appellent
la Mère, le Chaos générateur. De même leurs traditions religieuses les contraignent
à laisser nombre de leurs décisions personnelles aux jeux du hasard et de la divination,
honorant
ainsi Ereshkigal, qui représente la folie et l'absurdité de l'existence. La divination chez
les Zvols n'est pas censée prévoir l'avenir mais indiquer la voie permettant d'honorer
Ereshkigal. Les Zvols se livrent parfois à des actes insensés après avoir fait appel
au conseil des Devins de la Reine-Esclave. Bêlit-Séri quant à lui est
honoré d'une bien étrange manière : les Zvols ne punissent jamais le mensonge,
considérant que ceux qui en sont victimes se devaient de le repérer eux-mêmes.
De ce fait les Zvols excellent à savoir si on leur ment : on peut considérer
qu'ils ont tous une compétence "psychologie" à 20 au minimum, ce qui influera
considérablement leurs éventuelles relations avec les PJs. Nergal est
honoré d'une manière fort classique, à travers des rituels de passage à l'âge
adulte particulièrement violents et douloureux, associés
à diverses mutilations et tortures rituelles. Enfin Namtarou est honoré d'une
manière assez surprenante : les Zvols considèrent que le désir de solitude et
d'intimité est néfaste, et vivent en communauté. Ils expriment le
principe du Vagabond en refusant les frontières sociales, la propriété
privée des biens immeubles ainsi que les principes de séparation liées
à l'hygiène de base : ils dorment par exemple avec leurs animaux domestiques.
Ce que les PJs seront amenés à comprendre s'ils s'intéressent aux Zvols, c'est que ceux-ci
ont une relation très ambivalente à leur ascendance démoniaque. Certains d'entre eux
la rejettent dans la mesure où ils refusent toute forme de relation avec les
Abysses, notamment avec les Seygneurs des Abysses comme Radzlom, et
car ils considèrent que toute forme de lien aux démons ne peut conduire
qu'à une forme de servitude (ce en quoi ils n'ont pas tort) et d'autres
aspirent au contraire à se rapprocher de leur origine démoniaque en
se rapprochant des démons. C'est cette faction "pro-Abysses" qui l'a emporté
lors de l'épisode du rapt de Brynja : Radzlom s'était révélé aux Zvols et
leur avait promis de leur faire don de son sang, et avec cela
de plus grands pouvoirs afin d'en finir avec les colons westmarkiens.
Mais ce que ceux qui ont participé à l'expédition punitive dirigée
par Galdur et les Frères-Paniques sont seuls à savoir c'est que l'expédition ne
fut un succès et Radzlom ne fut vaincu que grâce à la complicité d'une partie
des Zvols appartenant à la faction "anti-Abysses". C'est entre autres
pour cela que ceux qui ont participé à cette expédition n'en parlent pas,
mais aussi à cause de la férocité dont les Frères-Panique ont fait preuve, les
rendant aussi effrayants que les démons qu'ils combattirent.
Au moment où se déroule cette aventure, les Zvols sont toujours divisés sur ce point
et l'apparition d'un fils de Radzlom fera ressurgir cet antagonisme. Les PJs
devront pouvoir entrer en contact avec les Zvols "anti-Abysses" pour parvenir à
faire échouer l'infâme complot du Margrave si c'est ce qu'ils comptent faire.
Ces personnages sont adaptés à cette aventure mais il est possible d'en
adjoindre d'autres à l'équipe voire d'en créer des nouveaux, du moment que l'un d'entre
eux peut parler le démoniaque.
Yr Sindradottir, guerrière norrienne de niveau 4
Magicienne ratée devenue mercenaire, Yr est un personnage à
l'historique complexe, à confier
à un joueur ou à une joueuse expérimenté(e), car elle a un rôle moteur
dans l'histoire.
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De père inconnu, Yr est la fille de Sindra, une rebouteuse de Lördag,
un petit village du Salzstein non loin de
Kristania, vivant surtout d'une mine de plomb à proximité.
Comme la plupart des rebouteuses, Sindra était une fausse faëriste,
c'est-à-dire qu'elle
connaissait par cœur nombre de charmes faëriques (cf. la langue
faërique) sans connaître la langue
elle-même. Yr s'étant montrée dans sa jeunesse très vive dans
l'apprentissage de ces charmes
et ayant même réussi à en inventer de nouveaux en combinant les mots
qu'elle connaissait, Sindra
en conçut de grands espoirs pour sa fille unique. Afin qu'elle ne
vécût point comme elle
de charmes, d'herbes et de prostitution lorsque la demande venait à
manquer, Sindra
partit à Kristania avec sa fille et une bourse contenant une
cinquantaine de Wolfgulden
pour aller l'inscrire à Serpent-Azur, la fameuse école de magie.
Là la petite Yr, qui n'avait alors que dix ans, fut présentée à
Clarensia de Valois,
la fameuse magicienne orgète qui est l'Archimage du Royaume. Sindra
demanda que l'on fît de sa fille
une magicienne, offrant sa bourse d'or pour payer son instruction. La
somme était insuffisante,
mais Yr fut néanmoins acceptée au vu de son habilité à utiliser les
charmes faëriques. Comme cela
arrive souvent, l'école accepta de lui avancer le complément, à
condition qu'elle rembourse
plus tard ce qu'elle devait, soit sous la forme de services rendus aux
Maîtres de l'école, soit
avec les premiers revenus que son statut de magicienne lui
procurerait. Ainsi Yr
devint l'une des élèves de la mystérieuse école de Serpent-Azur (cf.
l'article éponyme à
ce sujet).
Mais quelque chose se produisit, qui allait avoir une importance
décisive pour la suite de son histoire.
Yr pensait être admise au sein de la Chambre de la Licorne, qui
enseigne la langue faërique,
afin de devenir une véritable magicienne faëriste, mais elle fut
orientée par décision de
l'Archimage Clarensia elle-même vers la Chambre Cramoisie, qui
enseigne la langue démoniaque.
Quoique surprise par cette étrange décision, Sindra n'insista pas, car
l'essentiel à ses
yeux était que sa fille
devînt magicienne, de quelque manière que ce fût.
Sous la direction de Théophile Manassé, le Bâtonnier (c'est-à-dire le
premier des
Maîtres) de la Chambre Cramoisie, Yr revêtit la robe grise des élèves de
Serpent-Azur et ceignit la longue ceinture de soie noire qui indiquait
son appartenance
à la Chambre censée former les mages démonistes. Elle y resta jusqu'à
ses quatorze ans.
Elle montra au début une certaine facilité dans l'apprentissage de la
langue démoniaque,
et de fait la parle, la lit et la comprend aisément encore
aujourd'hui, mais elle se montra
beaucoup plus rétive à l'utilisation de cette langue pour en tirer des
pouvoirs magiques.
De l'avis de Maître Manassé, sa pratique des charmes faëriques,
particulièrement simples
et intuitifs à utiliser, l'avait paradoxalement rendue réticente à
fournir l'effort d'abstraction
nécessaire à l'éveil des pouvoirs magiques de la langue démoniaque,
beaucoup plus ardue.
Maître Manassé décida alors d'éveiller en elle une forme d'intuition
proche associée
à la langue démoniaque en avançant la date prévue de la création de
son démon-reflet.
En effet, les mages démonistes (cf. la langue démoniaque) se
distinguent des mages
démonologues en ce qu'ils accueillent volontairement en eux une
créature démoniaque, créée
pour l'occasion, dont ils tirent de nombreux pouvoirs.
Horrifiée par la perspective d'accueillir en elle une créature
démoniaque, Yr refusa et quitta Serpent-Azur, endettée mais toujours
pas magicienne.
Elle retourna d'abord à Lördag où sa mère lui fit un fort mauvais
accueil, furieuse de voir sa fille
renoncer à cette opportunité unique de promotion sociale. Mère et
fille échangèrent des mots très durs, au terme desquels
Yr partit sur les routes, seule et désespérée, déterminée à ne plus
jamais revoir sa mère mais aussi
à ne pas mener la même vie que celle-ci. Elle vécut de mendicité et de
rapines quelques mois, et
le jour même de ses quinze ans son chemin croisa celui d'une compagnie
de mercenaires en route vers l'Ardei,
où la sempiternelle guerre contre les gobelins payait bien.
Cette rencontre fut le second tournant de son existence : elle parvint
à utiliser les charmes
faëriques qu'elle n'avait pas oubliés pour soigner le cheval du
capitaine de la compagnie et devint
ainsi en quelque sorte la mascotte du groupe. Peu à peu elle apprit à
manier les armes et devint
une guerrière accomplie au sein de cette nouvelle école. Ayant
participé avec succès à quelques missions
particulièrement périlleuses contre les Gobelins, elle reçut une solde
exceptionnelle avec laquelle
elle décida de commencer à rembourser Serpent-Azur, car mieux vaut ne
pas oublier une dette
contractée auprès de l'Archimage.
C'est ainsi que par une belle matinée de printemps de l'année 633,
alors qu'elle venait d'atteindre
ses dix-neuf ans, elle se présenta à Serpent-Azur pour payer son dû.
Ce fut son ancien maître qui
la reçut et lui proposa une mission en apparence fort simple, qui si
elle l'acceptait
effacerait sa dette à l'égard de l'école. Yr accepta et Manassé lui
rendit même les
cinquante Wolfgulden que sa mère avait versés neuf années plus tôt. Yr
décida alors
de revoir malgré tout sa mère pour lui rendre cet or, afin de ne plus
rien lui devoir. Mais en
arrivant à Lördag elle trouva la maison vide et sa mère morte depuis
deux ans. Un ami
avait gardé pour elle quelques bricoles, et notamment une bague
d'argent noirci portant une
améthyste, totalement inconnue pour Yr, mais qu'apparemment sa mère
avait supplié sur son lit
de mort qu'on la
remît à sa fille si elle revenait un jour.
Agitée de sentiments contradictoires de chagrin et de colère, Yr
revint à Kristania, cette
bague inconnue au doigt, pour accomplir la mission confiée par Manassé.
Yr est une guerrière de niveau 4, ce qui correspond au niveau moyen
qu'on peut attendre d'un
jeune mercenaire. Elle dispose d'une affinité démoniaque, puisqu'elle
parle cette langue, mais
d'aucun pouvoir magique en ce domaine. Elle peut donc seulement
parler, lire et écrire
dans cette langue, et voir les pentacles démoniaques, ce qui lui
permet d'identifier
les démons incarnés notamment (cf. Démons), compétence qui lui
sera fort utile au cours
de l'aventure. Elle a accès également aux charmes faëriques décrits
dans l'article
sur la langue faërique, mais le joueur ou la joueuse incarnant
Yr devra les
réciter de mémoire pour pouvoir les utiliser.
Ragnar Leifson, guerrier norrien de niveau 4
Mercenaire et compagnon d'Yr, Ragnar est en apparence un personnage
beaucoup plus simple, du moins
tant que l'histoire de son mystérieux tatouage n'intervient pas. Cela
peut rester un élément
secondaire ou au contraire participer au déroulement de la partie
selon le désir du joueur et son investissement dans le déroulement de
l'histoire.
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Ragnar est originaire de Kristania. Né dans une famille de marins, il
a d'abord été une petite frappe de la pègre de Kristania,
avant de s'engager dans une compagnie mercenaire à l'âge de seize ans.
C'est un guerrier habile et chanceux, d'un naturel étrangement
insouciant et aimable étant donné la
vie qu'il mène. Il porte sur son visage, son cou, son épaule et son
bras gauches un tatouage runique
dont il ignore le sens. Il n'a surtout aucune idée de la manière dont
ce tatouage s'est retrouvé sur sa peau.
Il sait seulement qu'une nuit, alors qu'ils avaient monté le camp aux
alentours d'un village appelé Käla,
il quitta le camp en plein nuit, complètement somnambule, et alla se
perdre dans la forêt.
Il parvint à rejoindre sa compagnie une semaine plus tard, n'ayant
aucun souvenir de ce qui lui était arrivé,
mais avec cet étrange tatouage. La proximité du Runnland tint lieu
d'explication pour ses camarades
mercenaires et l'apparition de ce tatouage fut interprêtée par la
suite comme un don des dieux, lorsque Ragnar
parut jouir d'une chance insolente en combat, si téméraire qu'il fût.
Ragnar devint ainsi une petite légende
parmi les autres mercenaires et c'est ainsi qu'il attira l'attention
d'Yr. Ragnar est aussi téméraire et
insouciant qu'elle est prudente et calculatrice, et ils forment de
fait une sorte de couple fort complémentaire.
Au cours de l'aventure, Ragnar sera confronté à des indices plus ou
moins explicites au sujet de son tatouage.
Erik lui en parlera à mots couverts, mais le Peuple-Fée de la forêt de
Vitskogen pourra également lui en parler.
De manière générale selon le désir du joueur ce tatouage pourra jouer
un rôle déterminant ou non. Si les joueurs
finissent par apprendre la fonction du tatouage, ils pourront choisir
de libérer les Frères-Panique une seconde
fois pour vaincre Radzlom à nouveau, mais l'aventure peut se dérouler
sans que le tatouage intervienne
d'aucune façon.
Il pourra paraître étrange aux joueurs que Ragnar n'ait pas cherché à
se faire traduire le sens du tatouage, mais il est essentiel
de bien comprendre que les runes sont pour les Norriens en général des
dessins plus que des lettres, et dont le sens
est nécessairement mystérieux. Par ailleurs les Runenmeister se
rencontrent rarement et dans la mentalité norrienne le
fait que Ragnar ignore tout du sens de ce tatouage est sans doute ce
qui lui confère sa vertu protectrice. Ragnar pourra
donc même être réticent à essayer d'en savoir plus. Yr en revanche, de
par sa culture de lettrée, sera sans
doute beaucoup plus curieuse. Le MJ pourra mettre sur le chemin des
PJs un Runenmeister
s'il veulent en savoir plus sur ce tatouage, quoiqu'une telle
rencontre ne soit par défaut pas prévue.
Sveinn Morgenson, guide norrien de niveau 4
Vagant, c'est-à-dire chasseur de composantes alchimiques, Sveinn est
le type même du
scélérat sans scrupules, et conviendra parfaitement aux joueurs qui
aiment jouer les
antihéros et créer des tensions au sein du groupe.
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Sveinn est originaire du Westmark, et plus précisément du village de
Grünberg. Enfant d'une famille de paysans, il s'enfuit du logis familial à l'âge
de dix ans pour échapper à une volée de bois vert particulièrement violente
que son père n'eût point manqué de lui infliger. À la fin d'un hiver particulièrement rigoureux,
alors que les vivres se faisaient rares, Sveinn, tenaillé par la faim,
dévora une partie du poisson fumé qui devait permettre à la famille de
tenir une ou deux semaines encore. Affolé par sa propre audace, il préféra s'enfuir
là où il savait que ses parents n'oseraient jamais le poursuivre : la
forêt enchantée de Vitskogen.
Sveinn était certain de mourir de froid ou de peur dans cette forêt
hantée de créatures
inhumaines. En effet le Peuple-Fée de Vitskogen étant fort mal disposé
à l'égard des humains en général, le petit Sveinn
eût sans nul doute péri sous les yeux indifférents des Nymphes et des
Licornes, mais le hasard ou la providence
le conduisit au pied d'un arbre qui était habité par une très ancienne
Hamadryade. La Nymphe attendrie
protégea l'enfant du froid, de la faim et de la haine de ses congénères. Sveinn
est donc resté une année entière sous la protection de Sinëa l'hamadryade de Vitskogen.
Il apprit à ses côtés à parler la langue faërique (qu'il ne sait cependant pas écrire)
ainsi que de nombreux secrets du Peuple-Fée à l'ombre de la ramure
bienveillante de l'arbre auquel Sinëa avait lié son destin. Peu à peu les créatures
de Vitskogen s'attachèrent à cet étrange enfant et Sinëa l'appelait même son fils
lorsqu'elle le prenait entre ses bras sous sa forme humaine.
Un matin d'hiver une petite troupe de vagants entra dans la forêt et croisa
le petit Sveinn. Ils étaient discrets, silencieux et respecteux des
usages du Peuple-Fée, aussi purent-ils avancer au cœur de celle-ci sans
s'attirer sa colère. De plus, la simple présence du petit Sveinn parmi eux avait
rendu à certaines créatures féériques un semblant de confiance en
l'humanité. Le petit peuple accorda donc le bénéfice du doute à
cette bande d'aventuriers. Bien mal en en prit, car si ces Vagants
s'étaient tenus si tranquilles c'était parce qu'ils visaient
un gibier de choix : le bois de l'arbre de Sinëa, le fameux bois-vif
qui vaut dix fois son pesant d'or.
Leur chef, un certain Ulf, eut l'intelligence de commencer par approcher Sveinn,
ravi et surpris à la fois de revoir des êtres humains. La petite bande fut amicale
et même affectueuse à l'égard du gamin, qui se laissa aisément amadouer. Ulf était
un vagant rusé et patient. Lorsqu'il eut acquis la confiance de l'enfant il la mit
à profit pour savoir quelles créatures féériques veillaient sur Sinëa et
connaître leurs habitudes. L'instant propice arrivé, les vagants tuèrent
les protecteurs de Sinëa et abattirent celle-ci. L'arbre tombé, la forêt toute entière
tomba dans une stupeur totale, incapable même de venger l'ignoble meurtre.
La forêt se tut alors, et il fut aisé à Ulf de faire venir d'autres hommes pour enlever l'arbre.
Ce fut le pire jour de l'existence de Sveinn, car si le Peuple-Fée semblait avoir quitté
Vitskogen, comme si la mort de Sinëa l'avait rendu hagard, l'enfant lui se savait condamné
à jamais. Lui-même faillit devenir fou de colère et de chagrin, ayant trahi malgré lui
sa bienfaitrice. Les vagants l'enlevèrent en même temps que l'arbre sacré et l'adoptèrent,
convaincus que son attachement pour le Peuple-Fée était au mieux une lubie et
au pire un envoûtement dont il fallait le libérer.
Par un de ces mystérieux ressorts de l'âme humaine, Sveinn devint avec les
années un vagant de la même espèce impitoyable qu'Ulf et ses sbires,
pire même en un sens car il méprisait la vie humaine tout autant que le Peuple-Fée. Il
devint ainsi à la fois l'un des vagants les plus habiles et les plus
audacieux du Norrenwelt de par sa connaissance du Peuple-Fée.
Ighieras Alfson, dit la Perche, guide norrien de niveau 4
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Enfant humain adopté par les Nashtyl, un clan d'Elfes Sauvages de Lodz
(au nord du
Norrenwelt), la Perche est la contrepartie de Sveinn.
Quoique guide lui aussi et également vagant,
il essaie de pratiquer honorablement son métier, en respectant les
populations féériques et elfiques
au même titre qu'humaines. De nombreuses contradictions sont
susceptibles d'apparaître avec Sveinn.
De parents inconnus, Ighieras a passé toute son enfance sur les terres du
clan Nashtyl, aujourd'hui sur les terres du jarl de Lodz, mais
bien avant que Dynhaÿl von Lodz, la "petite reine des Elfes", s'y installe et
établisse sa suzeraineté approximative sur cette contrée. C'est au contact
de sa famille adoptive qu'il a appris son métier de guide, et a acquis les
connaissances qui allaient faire de lui un vagant, comme Sveinn, mais
d'un genre assez particulier.
Ighieras mène en effet son commerce dans le respect du Peuple-Fée
qu'il a appris à connaître et apprécier
lors de sa jeunesse auprès des Nashtyl. Il a pris le nom "Alfson" pour
revendiquer son ascendance elfique, quoique adoptive (son surnom de "La Perche" lui vient
de sa grande taille, comparée à celle des Elfes).
Les Norriens se méfient en général des "enfants des Elfes",
c'est-à-dire des humains élevés par des Elfes. Mais
Ighieras porte ce nom avec fierté et sa connaissance étendue du
Peuple-Fée lui a permis de devenir un Vagant efficace,
quoiqu'il y ait certaines composantes alchimiques qu'il se refuse à
vendre, car il est impossible de les glaner
en respectant la dignité du Peuple-Fée (comme le bois-vif etc... cf.
Peuple-Fée). Contrairement à la plupart des vagants, Ighieras se distingue par un
comportement
respectueux et honorable, du moins au sens norrien du terme. Il est
d'un caractère
discret et a reçu de ses parents adoptifs une certaine éducation. Il a
par exemple
appris à lire et à écrire, ce qui en pratique lui rend bien des
services dans le
cadre de ses transactions avec les alchimistes.
Depuis qu'il a choisi de vivre au sein de la société humaine, Ighieras
vit donc dans une sorte d'entre-deux difficile,
tâchant de concilier l'inconciliable, car ceux qui s'engagent dans la
carrière de Vagant sont en général des êtres
sans scrupules et fort peu respectueux du Peuple-Fée. Il a servi comme
Sveinn au sein de diverses compagnies
mercenaires pour combattre les Gobelins, ennemis communs des Humains
et des Elfes, et c'est ainsi qu'il a connu
Yr et Ragnar.
Il est toujours accompagné de Wilcox, son chien de chasse avec lequel
il partage un fort lien empathique. Par ailleurs
il est armé d'un katana, arme fort peu courante au Norrenwelt. Cette
arme lui fut offerte par ses parents adoptifs lorsqu'il décida
de les quitter. Ils lui dirent seulement qu'elle se trouvait près de
lui lorsqu'ils l'ont trouvé. En réalité cette arme
vient d'Hyrcéniaä, et plus précisément de la ville de Nara, où vit une
communauté issue du peuple Wa. En effet, la mère
d'Ighieras était norrienne mais avait passé une part importante de sa
vie en tant que mercenaire en Hyrcéniaä, où elle avait
fait l'acquisition de cette arme. Alors qu'elle cherchait à regagner
le Norrenwelt par le nord avec son fils âgé de quelques mois,
elle traversa les terres qui n'étaient pas encore celles de Lodz et
s'y installa une nuit pour dormir. Cette nuit son sommeil fut
envahi de cauchemars inspirés par une créature démoniaque... qui n'est
autre que Radzlom lui-même. Radzlom l'entraîna
avec lui dans le Monde des Rêves où elle disparut à jamais du Monde
Matériel. C'est pourquoi les Nashtyls ne trouvèrent
que cette arme et quelques effets près du bébé. C'est d'ailleurs l'une
des raisons pour laquelle Ighieras a voulu devenir
mercenaire : dans l'espoir de croiser quelqu'un qui ait connu sa mère,
car les Nashtyl avaient suivi
sa mère discrètement lorsqu'elle avait traversé leurs terres et
l'avaient identifiée en tant que
mercenaire, avant de constater son étrange disparition. Le katana
étant l'unique objet suceptible de
l'évoquer, Ighieras ne s'en séparerait donc pour rien au monde. Si le
MJ le souhaite il peut jouer
de cela dans les rapports entre Ighieras et Erik, car l'enfant peut
tout-à-fait identifier Ighieras comme
le fils de cette femme qui a plu à son père au point de désirer faire
d'elle un simple rêve, et lui révéler
le destin de sa mère à mots couverts, ce qui peut d'autant plus
motiver Ighieras à vaincre ou détruire Radzlom.
La partie débute en principe lorsque Yr revient à Kristania et se rend
au port pour y rencontrer son ancien
Maître. Elle aura rassemblé auparavant Ragnar, Sveinn et Ighieras pour
l'accompagner. Les termes de
la mission sont très simples : s'embarquer avec Erik jusqu'au port de
Breitglanz en Janing puis se rendre
par la route jusqu'à Ohrwurm, traverser la forêt enchantée de
Vitskogen jusqu'à Grünberg puis aller jusqu'à Rabenheim
où ils devront se présenter au Margrave avec l'enfant ainsi qu'une
lettre de Maître Manassé. La mission est
en principe relativement facile. La partie la plus dangereuse est de
traverser sans encombres la forêt de
Vitskogen. C'est d'ailleurs pour cela que Yr aura demandé à Sveinn et
Ighieras de se joindre à elle. Elle les
connaît en tant que Guides et gens avertis des dangers du Peuple-Fée
car il est arrivé que l'un et l'autre se
joignent à une compagnie mercenaire à l'occasion en cette qualité.
Sveinn et Ighieras se connaissent et
ne s'apprécient guère en raison de leur approche radicalement différente
des relations avec le Peuple-Fée, mais ils ont déjà été amenés à
travailler ensemble.
Maître Manassé les attend donc sur le port avec le petit Erik vêtu
d'habits tout-à-fait communs. Erik a huit ans,
les cheveux blonds de sa mère norrienne mais ses yeux sans pupille
trahissent son origine démoniaque dans la
mesure où il n'est pas aveugle. Maître Manassé l'a habillé d'un
manteau à capuchon pour
éviter qu'il attire l'attention de ce trait inhumain. Erik est un
enfant calme et silencieux, presque trop, dont
le regard vide provoque aussitôt une sensation de malaise. Sa voix est
chaude et rocailleuse et n'a rien de celle
d'un enfant. Il parle le démoniaque comme si c'était sa langue
maternelle et la langue commune avec un
étrange accent. Il sera parfaitement obéissant jusqu'à ce qu'ils
entrent dans la forêt de Vitskogen. Il répondra aux questions
mais souvent de manière indirecte et imprévue, comme s'il avait sur
toutes choses un point de vue biaisé,
inhabituel et pour ainsi dire inhumain. Tiraillé entre sa nature
humaine et son ascendance démoniaque, il
agira parfois de manière schizophrène. Sa part humaine est celle d'un
enfant mal-aimé, timide et anxieux, sa part démoniaque
est à la fois très curieuse et très ignorante de l'humanité,
notamment des émotions humaines en général.
Il parlera par défaut en démoniaque et c'est d'ailleurs à cause de ça
que Maître Manassé a choisi une de
ses anciennes élèves pour le conduire à Rabenheim. De manière
générale, les propos
énigmatiques d'Erik pourront être autant d'indices plus ou moins
clairs que le MJ peut donner aux PJs.
Maître Manassé informera Yr de la nature démoniaque d'Erik pour lui
faire comprendre la nécessité d'être discrète
mais n'en dira pas plus. Il ne parlera ni du passé troublé du
Westmark, ni des Zvols et encore moins des Runenmeister.
Il demandera aussi à Yr de garder pour elle ce qu'elle sait sur Erik.
Il donnera à Yr rubis sur l'ongle une
bourse contenant
quatre cents Wolfgulden (ça pèse environ 4 kg) et promettra la même
somme à son retour à Kristania avec une lettre du Margrave
accusant bonne réception du "colis". Charge à Yr de répartir l'or
entre ses camarades : l'effacement de sa dette
est compris dans le paiement. Le paiement est particulièrement
généreux, aussi Yr peut-elle choisir de garder pour elle
une part importante du magot. Du point de vue des autres aventuriers,
cinquante Wolfgulden avant et la même somme après sera
déjà un salaire honnête. Naturellement les modalités du paiement
pourront déjà faire l'objet de
discussions entre les PJs, surtout si Yr choisit de mentir au sujet de
la somme qu'elle a reçue de
Manassé.
Le voyage à bord d'un navire marchand
jusqu'à Breitglanz peut éventuellement être agrémenté de quelques
attaques de pirates ou de créatures marines. Au sud de Kristania se
trouve un archipel appelé la Dorsale du Dragon infesté de pirates,
notamment de la fameuse Guilde du Dragon d'Or, rivale déclarée de
la Guilde du Nombre d'Or, la guilde de marchands et d'alchimistes la
plus puissante de la planète. Quelques
scènes de combat naval peuvent permettre aux joueurs de se familiariser
avec les règles de combat. C'est aussi l'occasion pour
les PJs d'entendre Erik tenir d'étranges propos, notamment au sujet de
ses rêves. Il est en effet tourmenté par des cauchemars
qui lui racontent le passé de sa mère, lui montrent les Zvols, ou son
père enfermé ou encore son domaine dans les Abysses : le Pays
d'Octobre.
De Breitglanz à Ohrwurm rien de spécial ne devrait se passer. Les
PJs pourront acheter des chevaux et s'équiper selon leur désir à Janing.
S'il est en principe impossible de faire l'acquisition
d'objets enchantés, encorcelés ou consacrés à Janing, les alchimistes
de la ville offrent un choix équivalent à celui de Kristania.
En vue de leur voyage
à travers une forêt enchantée, il
peut être intéressant de faire l'acquisition de sel chtonien,
de baumes royaux et impériaux et de tabac bleu... (cf. Alchimie).
Il
est également possible d'y acheter des armes de bonne qualité. Une fois en route,
le voyage devrait se faire sans encombres. À Ohrwurm en revanche
l'ambiance changera radicalement, car ce village est pour les
gens du Janing la fin des terres civilisés, et l'orée de la forêt
hantée de Vitskogen.
Ohrwurm est une bourgade mal famée, car c'est un repaire ou cohabitent
d'une part vagants et
aventuriers de tous poils, plus ou moins brigands de grand chemin, et
des mercenaires payés
par le Jarl du Janing afin de surveiller la frontière avec le Westmark
d'une part, mais
aussi la forêt elle-même. Le sentier des fées, qui traverse la forêt
et joint Ohrwurm
à Grünberg, est surveillé par ces mercenaires qui ne sont même pas des
soldats réguliers mais
une force d'appoint, placée sous la responsabilité du margrave local.
Le Jarl Höldwer Sonnenfeld
a en principe défendu que le Peuple-Fée soit soumis aux agressions des
vagants mais
le margrave local : Harald Tannenson, est un alchimiste peu scrupuleux
qui au contraire encourage les vagants
à exploiter la forêt enchantée le plus possible. C'est ce même homme
qui jadis acheta
le corps de la malheureuse Sinëa à Ulf, et il l'a toujours dans son
laboratoire : la nymphe est
figée sous la forme d'une satue de bois-vif, qui se trouvait au cœur
de l'arbre lui-même.
Le Peuple-Fée ne se laisse cependant pas faire pour autant, et le
sentier des fées, qui en principe
était censé être un passage sûr dans la forêt, est devenu très
dangereux à emprunter. À l'Auberge
du Griffon Vert où les PJs ne manqueront pas de s'arrêter, ils
entendront parler d'une jeune
paysanne d'Ohrwurm, une certaine Maja, qui serait tombée sous
l'emprise d'une licorne, devenue
sorcière à son contact et
aurait mené plusieurs attaques avec l'aide de Faunes
particulièrement brutaux contre des groupes de vagants ou de marchands sur le
fameux sentier des fées. Sveinn est passé par Ohrwurm justement
pendant son enfance,
mais n'y est pas retourné depuis. Cependant il pourra deviner que
cette fameuse licorne
dont on parle n'est autre que Lydia, une licorne qu'il a rencontrée
jadis, et qui est
très influente au sein du Peuple-Fée de Vitskogen. Il se doutera que
sa "trahison"
lui aura inspirée une haine durable de l'humanité, la rendant plus
agressive que
d'ordinaire.
Outre les attaques de Maja la sorcière et de
sa maudite amie la licorne, les PJs entendront parler aussi de
voyageurs qui s'étant écartés du sentier furent noyés par des
Ondines alors qu'ils s'étaient penchés sur un cours d'eau pour
s'abreuver, de Farfadets qui à la faveur de
la nuit dérobèrent
toutes les vivres, armes, chevaux et richesses d'un parti
d'aventuriers, de nymphes folâtres qui auraient séduits
d'honnêtes paysans pour les perdre à jamais au cœur de la forêt et se
repaître de leur chair, après qu'ils
eurent été épuisés par leur insatiable désir sexuel. Il appartiendra à
Sveinn et à Ighieras de
distinguer le vrai du faux dans les rumeurs qu'ils entendront, à
partir de leur connaissance du Peuple-Fée.
Les PJs pourront aussi faire la rencontre de vagants revenant de la forêt.
De manière générale les informations valables qu'ils pourront glaner
(au milieu d'un ensemble de carabistouilles) seront les suivantes :
- les créatures féériques de la forêt de Vitskogen sont particulièrement
agressives à l'égard des mortels depuis quelques années (en fait depuis le
meurtre de Sinëa).
- nous sommes au printemps alors
attention aux abeilles : une fée aux cheveux rouges vêtue de noir les
commande et peut se transformer en un essaim d'abeilles (il s'agit de Mellifère,
la Kère qui protège la forêt).
- ne jamais s'éloigner du Sentier des Fées, même si des chants ensorcelleurs
ou des Nymphes souriantes vous y incitent.
- même si on ne s'éloigne pas du sentier, Maja et sa licorne
peuvent parfois s'en prendre aux voyageurs.
- ne jamais s'approcher des cours d'eau.
- il y a quelque part un arbre sacré mais il serait trop jeune pour être
intéressant, le vieil arbre sacré ayant été abattu quelques années auparavant
(Êleïa, une nouvelle Hamadryade est apparue après la mort de Sinëa et s'est liée
à un tout jeune frêne).
Sur le Sentier des Fées le passage des PJs sera évidemment remarqué. Farfadets et Nymphes
essaieront d'attirer personnes et chevaux hors de sentier, et si Sveinn ne prend pas
la peine de se voiler le visage, ils sera reconnu par Lydia comme celui qui
endeuilla la forêt par sa trahison. Même
si les PJs restent sur le sentier, Lydia transgressera alors l'interdit
pour s'emparer du jeune homme. Si elle y parvient,
elle voudra le juger en présence de toutes les
créatures du Peuple-Fée, dans un ancien temple appartenant à l'antique
lignée du Peuple de la Nuit, datant de l'Âge d'Or.
Si elle y parvient et que les autres PJs décident de se mettre à
sa recherche, Erik pourra les guider jusqu'à lui. Erik agira
paradoxalement comme une protection contre le Peuple-Fée, qui
éprouvera à son égard un mélange d'aversion et de peur, et n'osera
pas s'en prendre à lui. Le vieux temple a l'antique forme des temples grecs
des premiers âges de l'hellénisme :
une grande bâtisse ronde surmontée d'une voûte au sommet de laquelle
une ouverture circulaire permettait jadis aux fumées des sacrifices
accomplis dans le temple de s'élever vers les cieux. Cette bâtisse
est recouverte de végétation, à moitié détruite, mais le Peuple-Fée
s'y réunira pour juger Sveinn, enchaîné au centre, là où autrefois étaient
tués les victimes propriatoires des anciens rites.
S'ils suivent Erik, les PJs parviendront sans encrombre jusqu'au temple,
et pourront voir leur compagnon entouré de Lydia, Maja et toutes les créatures
féériques des forêts, décrites dans l'article Peuple-Fée. Ils pourront
voir notamment celle qui préside cette assemblée : Mellifère, la Kère
protégeant la forêt. L'arrivée des PJs avec Erik suscitera crainte et
stupéfaction chez les créatures féériques, qui n'oseront les attaquer,
à moins qu'ils essaient de libérer Sveinn. La manière la plus
simple de s'en tirer pour les PJs sera alors de participer au procès,
dont la décision finale sera tranchée par Mellifère. L'accusation
sera représentée par Lydia et Maja évidemment. Sveinn pourra parler pour lui-même
mais sera réticent à le faire si le joueur joue correctement son personnage,
car cela signifiera évoquer un passé douloureusement enfoui en lui.
L'issue est relativement aisée pourtant : si les autres PJs parviennent
à faire dire à Sveinn son histoire telle qu'elle s'est déroulée, expliquer
comment Sveinn enfant fut trompé, et comment sa trahison n'était que le fait
de l'inexpérience, les créatures féériques seront sans doute enclines
à la clémence. La défense de Sveinn peut s'axer sur deux arguments :
- expliquer le concept de l'enfance au Peuple-Fée, qui n'en a aucune idée intuitive :
Sveinn fut victime de sa naïveté enfantine.
- proposer une forme de réparation ou d'engagement de la part de Sveinn. Sveinn
pourra éventuellement n'en avoir que faire à l'issue du procès et se considérer
comme libre de tout engagement ou au contraire être durablement
changé par cette expérience et se rapprocher de la vision d'Ighieras.
Erik n'interviendra pas pendant le procès, mais Mellifère posera des questions
à son sujet aux PJs et leur demandera pourquoi un "fils de Tiamat" foule
le sol de la forêt et respire comme un être mortel. L'hybridation entre
une lignée mortelle et une lignée mortelle étant considérée comme une aberration
par la Kère, Erik ne sera pour elle pas un être humain, mais une terrible
abomination. Son regard sur l'enfant achèvera de renseigner les PJs
sur sa nature inhumaine.
À l'issue de ce procès ou s'ils sont parvenus à traverser la forêt
sans attirer l'attention sur eux et en résistant aux enchantements
du Peuple-Fée, ils parviendront à Grünberg en une vingtaine d'heures de
marche à cheval, le double à pied.
Grünberg est similaire à Ohrwurm dans la mesure où c'est une bourgade inquiète
à l'orée d'une dangereuse forêt enchantée. En revanche elle s'en différencie
par le caractère très particulier des colons westmarkiens.
Comme les cinq autres villages libres du Westmark, Grünberg est
protégée par des remparts de pierre et dirigée par le Thing, assemblée d'hommes libres
qui élit chaque année lors du Jôl (cf. la Langue Runique) un Capitaine
chargé des affaires courantes. Les pionniers sont des hommes habitués à défendre
leur bien les armes à la main et à se faire justice eux-mêmes.
L'absence de Runenmeister et de représentation du pouvoir royal les rend
particulièrement libres dans l'interprétation des lois et coutumes norriennes.
Ils sont courageux et prompts à la suspicion, jaloux de leur indépendance
et très méfiants de tout ce qui est étranger. Dans l'ensemble
ils sont plus ignorants que la moyenne des Norriens
du fait de leur isolement et bien peu d'entre eux savent lire et écrire.
L'unique auberge de Grünberg (elle n'a pas de nom) est
dirigée par Daggur Main-Lourde, un géant blond qui acquit ce surnom en raison de
la facilité avec lequel il bat sa femme et ses enfants. L'auberge
permettra aux PJs d'en apprendre plus sur le Westmark.
Les conversations tourneront principalement autour du Thing rassemblant
les cinq bourgades et le Margrave lors du prochain solstice d'été. Tous savent
que le Margrave exigera la soumission des cinq villages, et que le Thing
refusera, affirmant qu'il n'a nul besoin de la protection royale.
Diverses discussions pourront éclore autour de ce sujet et les Westmarkiens
en général seront partisans de préserver leur indépendance, insistant sur le fait qu'ils sont
bien arrivés jusqu'à présent à se défendre contre
les Gobelins, le Peuple-Fée et surtout les Zvols... C'est à cette occasion que
les PJs pourront se faire raconter l'histoire de la guerre contre les Zvols,
telle que la connaissent les Westmarkiens, l'intervention des Runenmeister, et
mentionner que certains sont revenus fous de l'expédition punitive qui
permit de ramener les captifs, dont la malheureuse Brynja Thorgalsdottir
("fille de Thorgal"), fille de Thorgal Olafson, devenu entretemps le Capitaine de
Nah... Diverses rumeurs circuleront au sujet de
cette jeune fille, et de sa mystérieuse disparition
après la visite d'un certain marchand étranger
du nom d'Italo Vespuci. Si Yr demande une description d'Italo
et de ses acolytes, elle pourra reconnaître son ancien maître
et quelques-uns de ses anciens condisciples.
C'est ici, ainsi qu'à l'étape suivante de
leur voyage : Skol, que les PJs pourront apprendre toute l'histoire
du Westmark et commencer à se douter d'un lien avec Erik.
On peut même en rajouter avec quelqu'un qui - ayant connu Brynja -
trouvera une ressemblance entre celle-ci et Erik.
À un moment dans la soirée l'auberge retentira d'atroces hurlements
venant de la cave. Ces hurlements inhumains ne surprendront personne
sauf les PJs. Les habitués se contenteront de hausser les épaules
en parlant du "malheureux Oddgeir", le fils de Daggur Main-Lourde,
que celui-ci doit souvent garder enchaîné à la cave à cause de ses
crises de démence. Selon eux, ça fait depuis deux jours qu'il est
particulièrement agité, il ne s'arrête de hurler que pour dormir,
et ce soir ses cris sont particulièrement forts.
Évidemment Oddgeir - ou plutôt Sto Let, le démon qui est en lui - ressent
la présence d'Erik. Ses hurlements incompréhensibles sont des phrases
décousues en démoniaque : "Le fils du Maître est ici... Ô
enfant de la violence viens à moi... Viens me libérer de ces fers...
Viens me libérer de cette prison de chair... Je veux à nouveau servir
ton père... Contempler l'infinité des Abysses à nouveau... Libérer
le Maître... Ils l'ont capturé, ils l'ont couvert de chaînes
d'or, ils ont scellé sa prison d'un disque
de fer... Je l'entends parler et il t'appelle à l'aide, enfant-démon..."
. Broder sur le thème. Seule Yr pourra comprendre le détail de l'histoire,
mais les autres PJs pourront remarquer que cette langue est
celle que parle Erik naturellement. Si jamais Erik et Oddgeir sont
mis en présence, Oddgeir se prosternera devant Erik et implorera
son aide. Ils échangeront des paroles en démoniaque. Erik demandera
à ce qu'on lui parle de son père (car Manassé ne lui en a jamais parlé), et Oddgeir
s'exécutera avec force lyrisme. Erik demandera aussi où se trouve
la fameuse grotte et Oddgeir répondra : "aux frontières de
la Terre des Grands Irmensuls, dans une grotte près du
chêne foudroyé". Daggur Main-Lourde s'opposera à ce que les PJs
voient son fils, à moins que ceux-ci lui fasent miroiter un
espoir de guérison. Il ignore la véritable nature de l'affliction d'Oddgeir.
Si jamais les PJs lui révèlent que son fils est possédé par un démon, il réagira très mal
et les flanquera à la porte. En revanche, si d'autres gens du bourg sont
avertis, ils voudront en avoir le cœur net et pourront aller jusqu'à lyncher le
malheureux Oddgeir, ignorant qu'ils libéreront Sto Let par ce biais. Si jamais
Sto Let est
libéré, il se contentera de suivre Erik à distance des PJs, attendant
le moment propice pour lui offrir ses services.
Une rencontre - fortuite ou non - entre Sveinn et des gens de sa famille est également possible.
Elle peut aider éventuellement à révéler des points supplémentaires de l'histoire,
ou simplement être une bonne occasion de roleplay pour le joueur concerné.
Sa famille le croit mort et sa réapparition sera accueillie de manière très mitigée.
Son état de vagant inspirera la méfiance, méfiance qui sera d'autant plus
forte s'il explique qu'il est en mission auprès du Margrave à Rabenheim.
Les PJs sont ensuite censés se rendre à Rabenheim, ce qui leur prendra deux jours
environ en passant par Skol. Skol est similaire à Grünberg. Sur la route conduisant
à Skol Ragnar et Ighieras sentiront la présence de Radzlom sous la forme d'un indistinct
sentiment de malaise. Ils auront tous les deux des visions du chêne foudroyé, de Radzlom sous sa forme
native,
appelant son fils à lui, secouant sans cesse ses liens d'or. Éventuellement ils pourront parler en démoniaque
dans leur sommeil sous l'influence de ces visions. Ighieras aura de plus des visions de ce qui est
arrivé à sa mère, laquelle crie vengeance à travers les dimensions oniriques du Monde des Rêves
qui le séparent de son fils. Ragnar quant à lui aura des visions des Frères-Panique, et du destin de
Galdur, des blés fauchés par Loki... bref des fragments de son histoire et de celle de son tatouage.
Mais ces visions devront rester parcellaires et incohérentes, car elles ne sont destinées
à s'éclaircir que si les PJs choisissent de s'aventurer dans le Runnland pour s'adresser
à un Runenmeister ou si le MJ choisit d'organiser une rencontre de cet ordre : un(e) jeune
Runenmeister(in) peut par exemple se trouver à Nah ou dans les environs, à la recherche
précisément du chêne foudroyé. Il serait intéressant qu'il ou elle soit lié(e) à un Ase
plutôt combattif, comme Thor ou Freyja.
À l'auberge de Skol les PJs pourront faire une autre découverte : le Capitaine de Skol,
Madgeir le Tordu (appelé ainsi à cause d'une cicatrice qui lui déforme le visage)
est un vieux guerrier qui a combattu Gobelins, Peuple-Fée et Zvols.
Il y a dans la cour intérieure de sa demeure des cages contenant quelques Gobelins,
créatures faëriques (un satyre et une ondine) et Zvols maintenus en vie pour le plaisir des badauds prêts à payer
un karlthaler
pour voir ce sinistre zoo. Les PJs en entendront parler à l'auberge et pourront s'y rendre.
Cela leur donnera un aperçu de la dureté des colons westmarkiens à l'égard de ceux qu'ils
considèrent comme de la vermine. Les Zvols sont trois : deux hommes et une femme. Ils ont
été capturés dans leur enfance et ont passé plusieurs années dans ces cages.
Si Yr essaie d'entrer en contact avec eux, ils réagiront si elle leur parle en démoniaque,
et par ailleurs seront manifestement très troublés par la présence d'Erik si celui-ci
accompagne les PJs. Ils seront à la fois fascinés et effrayés, exprimant ainsi l'ambivalence
des sentiments des Zvols à l'égard des Démons.
Les noms des trois Zvols sont de consonnance typiquement démoniaque : la femme
s'appelle Griva ("crinière" en démoniaque, à cause de sa superbe chevelure
noire qui semble animée d'une vie propre et se meut comme des tentacules, et
pousse sur son cou, son dos et ses épaules en plus de son crâne),
les deux hommes Grom ("tonnerre", en raison de sa voix grondante, terrifiante à entendre
et de ses yeux sans pupille qui brillent dans le noir par intermittences
comme un éclair) et Kaban ("sanglier" en raison
des hideuses canines qui sortent de sa bouche). Outre ces particularités si peu humaines, libre au
MJ d'en ajouter d'autres.
S'ils choisissent de libérer
les prisonniers zvols ou féériques, ils devront s'introduire de nuit dans la demeure
de Madgeir le Tordu, qui est une véritable petite ferme fortifiée dans le village.
Rien qu'un peu d'escalade ou de crochetage ne puisse résoudre. Mais un guerrier (niveau 4) surveille la cour
intérieure en permanence. S'il a le temps de donner l'alerte, Madgeir, son fils et sa fille
interviendront. Madgeir est un guerrier de niveau 10 et ses enfants peuvent être considérés
comme étant de niveau 6.
S'ils choisissent de passer leur chemin ou s'ils parviennent
à libérer les prisonniers en toute discrétion, les PJs parviendront sans encombres à Rabenheim.
Rabenheim n'est pas une bourgade fortifiée : c'est une véritable citadelle au sommet de laquelle
flotte l'étendard royal ainsi que les couleurs princières. Rabenheim doit son nom aux innombrables
corbeaux qui nichent dans ses tours. Les paysans dépendant de Rabenheim sont pour la plupart
arrivés bien après les colons westmarkiens, et ils ont une mentalité très différente.
Ce sont pour la plupart des serfs affranchis par les deniers
du Roi, qui par conséquent ne remettent nullement en cause l'autorité
royale et acceptent bien volontiers l'autorité du Margrave. Au lieu des milices
populaires qui défendent les cinq bourgades, Rabenheim accueille une
garde seigneuriale tout-à-fait classique aux ordres du Margrave.
La lettre de Maître Manassé permettra aux PJs d'être reçus immédiatement
par le Margrave. Idéalement il serait intéressant qu'ils arrivent tard dans la
nuit, que leur contact avec les gardes soit d'abord difficile jusqu'à ce qu'ils
montrent le sceau de Maître Manassé. Dès lors ils seront au contraire introduits
au plus vite auprès du Margrave qui - quoique manifestement tiré du
lit - les recevra avec empressement. Les PJs pourront ainsi mesure l'importance
de leur "colis". Il leur donnera la lettre devant servir de reçu et se montrera
un hôte fort gracieux. On leur servira un bon repas, digne de la cour de
Kristania, et on mettra à leur disposition d'excellentes chambres.
La lette porte le sceau démoniaque de Théophile Manassé et est elle-même rédigée en démoniaque. Si les PJs défont le cachet, Yr pourra traduire son contenu :
Ceux qui vous ont apporté cette lettre doivent être accompagné de l'enfant, conformément à notre accord. Je ne saurais trop
vous recommander d'utiliser cet enfant avec une extrême prudence, car le lignage ténébreux n'est pas à prendre à la légère, comme
les gens de votre région ne le savent que trop. Je vous souhaite bonne chance et un prompt accomplissement de votre louable dessein de restaurer l'autorité
royale au Westmark, et compte sur vous pour n'être point spolié de la part qui doit me revenir, sur votre futur butin de guerre. Quel
usage auriez-vous d'ailleurs de certains des trésors que vous prendrez aux Zvols, puisque vous échouâtes à devenir mage?
À Rabenheim les PJs pourront constater que la forteresse semble se préparer
à l'imminence d'une guerre. Des troupes de mercenaires engagées
par le Margrave sont venues renforcer les soldats réguliers. Les PJs
pourront d'ailleurs y retrouver d'anciens compagnons et être mis au courant
des rumeurs circulant parmi les hommes : une nouvelle guerre éclatera
bientôt entre les colons et les semi-humains monstrueux des Collines Brûlées.
À ce stade la mission des aventuriers est en principe finie, il leur suffit de rentrer
à Kristania pour recevoir l'autre moitié de leur salaire. Mais le Margrave leur proposera
une autre mission pour le moins... délicate, et surtout surprenante : aller à Skol
et libérer les trois Zvols prisonniers de Madgeir le Tordu. Si les PJs lui disent
que ces trois Zvols ont vu Erik, il en sera manifestement d'autant plus ravi. Il proposera
de payer le groupe 300 wolfgulden pour ce travail. Il insistera pour que
la libération se fasse au cours d'une nuit précise, dans trois jours, et qu'en fait les Zvols,
loin d'être véritablement libérés, soient amenés à un endroit précis où ses
propres gardes les récupéreront.
Le plan du Margrave est assez simple : se servir des trois Zvols prisonniers
en tant que témoins de qui est véritablement Erik. Il est convaincu
que cet enfant n'a pas le pouvoir de libérer son géniteur mais en revanche
celui de se faire reconnaître des Zvols et de susciter en eux l'espoir d'un réveil de
Radzlom. La mise en scène qu'il prépare est la suivante :
il veut conduire Erik avec une petite troupe de guerriers qui lui soient entièrement dévoués
et donner l'apparence qu'ils servent l'enfant-démon. Il veut faire croire aux Zvols que c'est
sur l'ordre d'Erik qu'ils auront été libérés, puis utiliser Erik pour retrouver le lieu
où Radzlom a été enfermé par les Runenmeister et ensuite appeler à un sacrifice de sang humain sans
précédent pour trouver la force mystique suffisante pour contrer l'enchantement des
Runenmeister, ce qui se traduira par une attaque soudaine et ravageuse
contre les Westmarkiens, propre à faire changer ceux-ci d'avis quant à leur relation avec
l'autorité royale. Il compte droguer Erik avec de la jusquiame pour le placer dans un état
second qui lui permettra de s'instituer son porte-parole. Il connaît suffisamment de démoniaque pour cela.
Si les PJs acceptent et réussissent, ils n'auront aucune difficulté
à se faire obéir des trois Zvols, qui sont très diminués par leur captivité,
d'autant plus si Yr leur parle en démoniaque. Ils se rendront ensuite plus tard dans la nuit à un point de
rendez-vous fixé par le Margrave qui les attendra avec une petite troupe de 6 guerriers
fidèles (un de niveau 10 et les autres de niveau 6), naturellement le petit Erik drogué jusqu'aux yeux. Le Margrave
présentera alors l'enfant aux Zvols comme l'héritier de Radzlom revenu venger
les souffrances des Zvols et reprendre par le sang et le feu la terre
du Westmark. Il sera voilé et se présentera lui-même comme un serviteur de l'enfant. Griva et Kaban
réagiront en se prosternant devant Erik, Grom en revanche sera méfiant et apeuré. Griva et
Kaban sont issus de la faction "pro-Abysses" mais Grom en revanche est issu de la faction
"anti-Abysses". Si les PJs prennent la peine d'interroger Grom à ce sujet,
il leur expliquera en termes plus ou moins décousus que son peuple est divisé et que sa famille
a aidé les quatre "servants de Loki" (les Runenmeister) à enfermer Radzlom, "avant qu'on les pendît à nouveau". Cette dernière phrase fera écho pour Ragnar à ses visions, et si Grom
ne saura pas en dire beaucoup plus, il expliquera que sa grande sœur Souma ("hors de son esprit" en démoniaque) fait partie des
Devins qui honorent Ereshkigal et qu'elle a eu des visions du funeste destin de Galdur et
des Frères-Panique. Elle a l'apparence d'une femme normale, hormis ses mains griffues et les yeux supplémentaires, dispersés sur
l'ensemble de son corps. Elle pourrait en dire plus. Cela peut inciter Ragnar à
la rencontrer pour en savoir plus.
Le Margrave se séparera alors du groupe des aventuriers qui devront
ensuite décider
eux-mêmes de la course à suivre. Le Margrave compte se rendre aux
Collines Brûlées
avec les trois Zvols et Erik, afin qu'Erik le conduise jusqu'à la
grotte où Radzlom est
enfermé, ce qu'il est en effet en mesure de faire et ce qu'il fera par défaut.
Les Zvols quant à eux seront censés retrouver les leurs et leur expliquer que
l'héritier de Radzlom est ici, et qu'il réclame vengeance. Erik en
effet obéira au Margrave,
en apparence sous l'effet de la drogue mais en réalité parce que
Radzlom l'influence
et demande en effet à être libéré. Par défaut la voix de son géniteur
sera la plus forte
chez Erik, seul un contact affectif humain peut l'amener à se
détourner de son origine
démoniaque, comme celui que peuvent choisir de lui offrir les PJs : la
magie ici
sera inutile, tout est affaire de psychologie, et de la manière dont les
PJs choisiront de traiter le problème ou de ne pas le traiter.
Le plan du Margrave est ensuite très simple : une fois à la grotte,
il y rassemblera les Zvols (dont il ignore que tous ne sont pas favorables
à Radzlom) et appellera à la guerre totale contre les colons au nom de Radzlom,
en un sacrifice qui brisera l'enchantement dont celui-ci est
victime. Il compte ensuite disparaître avec ses sbires dès les
premières hostilités, laissant
Erik aux Zvols, une fois que l'affaire sera irréversiblement engagée vers un
massacre total. Il rejoindra alors Rabenheim pour y prendre le contrôle de
ses troupes et voler au secours des colons submergés par les Zvols,
écraser définitivement
ceux-ci autant que les velléités d'indépendance des Westmarkiens.
Il ignore bien entendu que Maître Manassé a en revanche prévu de
libérer effectivement Radzlom pour le capturer ensuite et l'enfermer au
sein de l'école de Serpent-Azur. Si les PJs ont encore l'améthyste d'Yr
au moment où ils approchent de la grotte, cela suffira à Maître Manassé :
il utilisera ses pouvoirs pour se téléporter dans la grotte au moment propice tout en
se maintenant invisible (seuil de 30 au jet de volonté pour le voir) et influer sur les
personnes présentes, essentiellement les Zvols. Car ce que propose
le Margrave a de fait une chance de marcher : si suffisamment de
vies humaines sont sacrifiées dans la grotte, le pouvoir des runes
gardant Radzlom prisonnier sera brisé, pourvu qu'un mage démoniste
soit là pour le faire, à savoir Manassé lui-même, qui agira
sans jamais se montrer.
C'est à partir de là que les qualités du MJ vont pouvoir pleinement s'exprimer!