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L'infâme complot

Synopsis

Les PJs sont engagés par un Maître Démoniste de Serpent-Azur, la mystérieuse école de magie du Norrenwelt, pour conduire un enfant au Westmark, une province reculée du royaume. Il traversent une forêt enchantée, puis deux villages du Westmark, et comprennent que l'enfant est la progéniture d'un puissant démon appelé Radzlom et d'une jeune fille westmarkienne. Ils constatent également que cet enfant est la pierre angulaire d'un complot du Margrave, le représentant local de l'autorité princière, pour déclencher une nouvelle guerre entre les colons norriens du Westmark, et les Zvols, une mystérieuse population mi-humaine mi-démoniaque. L'enfant-démon pourrait en effet donner aux Zvols l'espoir de voir revenir Radzlom lui-même, qui avait jadis été enfermé dans une grotte par quatre Runenmeister (Maîtres des Runes, les prêtres de la religion norrienne) lors de la précédente guerre entre Zvols et Norriens. Sollicités par le Margrave pour participer plus avant dans le complot, les PJs devront alors choisir leur camp. Le plan du scenario est assez linéaire jusqu'à ce que les PJs livrent l'enfant au Margrave et accomplissent ainsi leur mission, mais ensuite tout dépendra des choix des PJs et le MJ devra improviser suivant leurs décisions.

Le rapt de Brynja

L'action se déroule dans le Westmark, cette terre qui - bien qu'appartenant en théorie au royaume du Norrenwelt - échappe encore au contrôle humain, et d'autant plus au contrôle royal. Observez la carte ci-contre : il s'agit de la région sud du Westmark, limitrophe de Runnland et du Janing. On l'appelle la région de Vitskogen, en référence à la forêt enchantée du même nom, lieu hanté par les créatures du Peuple-Fée et hostile à la présence humaine. La ligne des récifs à l'occident empêche les navires d'accoster, obligeant les colons westmarkiens qui veulent se rendre au Janing à traverser la forêt de Vitskogen le long de l'unique sentier qui soit considéré comme à peu près sûr, étroite route humaine serpentant au milieu d'arbres gigantesques,  comme une concession du Peuple-Fée aux Norriens négociée dit-on par les Runenmeister. Gare cependant à quiconque s'éloignerait du sentier! Car le Peuple-Fée ne dort jamais.
En dépit de ces dangers d'intrépides pionniers se sont jurés de coloniser cette terre encore sauvage. Ils ont chassé les clans gobelins qui y vivaient, et ont commencé à s'attaquer à la grande forêt du Westmark pour dégager des terres cultivables. Leur expansion a commencé là où se dresse aujourd'hui la forteresse princière de Rabenheim et s'est trouvée arrêtée au sud par la forêt enchantée de Vitskogen, que le Peuple-Fée a défendu avec une violence capable de rivaliser avec la leur, et au nord par les Collines Brûlées.
Les Collines Brûlées, ainsi appelées en raison des pics noirâtres qu'on peut observer de loin, s'élevant selon des formes torves et fort peu naturelles à l'œil des mortels, hébergent une population particulière, considérée à tort  comme inhumaine par les pionniers : les Zvols. Les Zvols (de "zvolotch" qui signifie "bâtard" en démoniaque) sont en fait une population d'enfants-démons, c'est-à-dire d'humains partageant un sang démoniaque. Les pionniers racontent à leur endroit d'abominables histoires : ils auraient massacré, violé et même dévoré des villages entiers de colons, contraignant ceux-ci en retour à de brutales expéditions punitives afin de les repousser dans les vallées encaissées des Collines Brûlées où ils échappèrent malheureusement à l'extermination totale.
Les colons norriens de cette région du Westmark sont donc accoutumés à faire couler le sang plus ou moins humain pour défendre la terre qu'ils ont conquise. Ils étaient pour la plupart serfs ailleurs dans le royaume avant d'arriver au Westmark et ont été libérés du servage par l'or du roi Wolf, désireux de peupler ce domaine qu'il voulait placer sous l'autorité de son fils Karl en matière d'apprentissage du métier de roi. Ainsi la couronne considère les pionniers westmarkiens comme ses débiteurs, alors que ceux-ci estiment qu'ils doivent leur présence sur ces terres arrachées de haute lutte à leur combattivité et au sang qu'ils ont versé, car il est vrai que la couronne a envoyé peu de troupes à leur secours, si ce n'est pour fortifier Rabenheim. Ainsi les Westmarkiens se considèrent comme libres de toute obligation envers la couronne, notamment fiscale. Skol, Zorn, Hjärt, Nah et Grünberg, leurs cinq bourgades fortifées, ont formé un Thing (conseil d'hommes libres), gouverné en pratique par les fermiers et marchands les plus riches de la région. Ce Thing se considère comme appartenant au royaume mais de manière toute théorique. Le Westmark est censé être un Jarl comme les autres, sous l'autorité du Prince héritier du Norrenwelt,  mais l'autorité princière ne s'exerce de fait que sur la cité fortifiée de Rabenheim, occupée par des troupes princières et placées sous la gouverne d'un Margrave, vassal du Prince.

Le décor est donc posé : des colons courageux mais bornés face à des menaces qu'ils ne comprennent pas, un pouvoir royal cherchant à réaffirmer son autorité sur ceux-ci, et nos vaillants aventuriers saisis dans la tourmente.

Nous sommes au printemps 633. Neuf années plus tôt la bourgade de Nah fut victime d'une attaque des Zvols, au cours de laquelle furent enlevés une dizaine d'adolescents du village des deux sexes. Nul ne sait parmi les Norriens pourquoi les Zvols prirent la peine de les enlever vivants, eux qui d'ordinaire se contentaient de tuer. Les gens de Nah avaient renoncé à jamais revoir leurs enfants quand un groupe de quatre Runenmeister venu du Runnland arriva et demanda aux plus courageux des colons de les accompagner dans les Collines Brûlées pour reprendre les jeunes gens au "peuple impur". Parmi ces quatre Runenmeister les colons se souviennent surtout de Galdur, qui semblait être leur chef ou leur porte-parole, les trois autres n'ayant pas échangé la moindre parole avec les colons. Comme tous les Runenmeister ces sauveurs inattendus inspiraient autant de crainte inquiète que de respect, mais ces trois Runenmeister qui ne s'exprimaient que dans la langue runique éveillaient en plus un étrange  et puissant sentiment de malaise. Pourtant une vingtaine de colons courageux les rejoignirent, et au terme d'une mystérieuse expédition punitive d'une semaine, la moitié des adolescents put être rendue à leurs parents, les autres étant selon les Runenmeister et les colons survivants déjà morts. Les Runenmeister ne donnèrent jamais aucune explication sur ce qui s'était passé et les survivants refusèrent tous d'en parler. Les gens de Nah supposèrent que les Runenmeister avaient exigé d'eux un silence absolu et renoncèrent à en savoir plus, car on ne saurait exiger quoi que ce fût de la part des interlocuteurs des Ases.
L'une des jeunes filles ainsi sauvées se nommait Brynja. Elle avait alors quatorze ans et était revenue enceinte. Brynja était la fille de Thorgal Olafson, l'un des fermiers les plus importants de Nah, aussi lorsque son état apparut de manière évidente, ses parents redoutèrent que le fruit de ses entrailles fût de nature démoniaque. Horrifiés à l'idée que Brynja mît au monde un enfant-démon, ils commencèrent par la maintenir enfermée, prétendant qu'elle était atteinte d'une maladie très contagieuse. Ils essayèrent de l'interroger sur ce qui lui était arrivé, mais comme tous les autres adolescents enlevés ainsi que ceux qui avaient participé à l'expédition de sauvetage, elle resta muette sur le sujet. Entretemps Galdur et ses trois compagnons avaient regagné le Runnland et aucun Runenmeister n'étant encore installé au Westmark, les parents de l'infortunée Brynja se retrouvèrent seuls face à l'inconnu. Quel monstre pouvait naître du ventre de leur fille?

C'est alors qu'intervint Théophile Manassé, Maître en magie démoniaque à l'école de Serpent-Azur. Les Westmarkiens n'avaient pas songé à faire appel à lui par méfiance envers ces mages étrangers retranchés derrière les murs de leur école, ou tout simplement par pure ignorance. Mais les chants des Scaldes ont raconté la tragique et héroïque histoire de ces enfants arrachés aux griffes des hommes-démons... jusqu'à arriver aux oreilles de quelques-uns des élèves de Serpent-Azur, lors d'une quelconque soirée de beuverie estudiantine dans les tripots de Kristania. Théophile Manassé apprit ainsi l'existence des Zvols et s'empressa de se rendre sur place afin d'étudier cette étrange affaire de plus près. Il se fit passer avec quelques-uns de ses élèves pour un marchand orgète du nom d'Italo Vespucci, et se rendit à Nah, en prétendant être en quête de trophées pris aux enfants-démons pour leur valeur alchimique. Ses pouvoirs magiques aidant, il finit par apprendre l'existence de la malheureuse Brynja alors qu'elle était déjà enceinte de six mois. Sans révéler qui il était il prétendit connaître des alchimistes aptes à traiter un cas de ce genre tout en les effrayant par des histoires de mères mortes à l'accouchement de ce genre de créature monstrueuse. Au demeurant il est exact que certains enfants-démons tuent leur mère à la naissance et il dispose de fait d'une réelle connaissance en la matière. La famille accepta et Maître Manassé emmena avec lui la jeune fille en grand secret jusqu'à Kristania pour la garder jusqu'à terme au sein de la Chambre Cramoisie de Serpent-Azur, c'est-à-dire la section de l'école enseignant le démoniaque, sur laquelle Maître Manassé a un pouvoir contrebalancé uniquement par celui de l'Archimage Clarensia elle-même.
Manassé rendit Brynja à sa famille quelques mois plus tard, vivante et délivrée de son encombrant et inhumain fardeau. Il se contenta de dire que le monstre avait été tué à la naissance et la famille de Brynja n'en demanda pas plus. Brynja ne parla jamais de ce qui lui était arrivé là-bas non plus et finit par reprendre une vie normale, se maria et eut des enfants humains.
Mais évidemment l'enfant de Brynja est bien vivant, à l'insu de celle-ci d'ailleurs. Il est en réalité resté caché dans les dimensions secrètes de la Chambre Cramoisie, et a grandi sous l'œil averti et passionné de Maître Manassé et de ses élèves les plus doués. Le jeune Erik - c'est le nom qui lui fut donné - est en effet plus qu'un simple enfant-démon. Il porte en lui le sang d'un puissant démon nommé Radzlom, et c'est ce qu'a détecté en lui Maître Manassé. Radzlom (littéralement "heureux par le Mal") est un Seygneur des Abysses (un démon particulièrement puissant disposant d'un domaine dans les Abysses et capable de commander et de créer d'autres démons; cf. Démons) qui apprécie le commerce charnel avec les mortels car c'est un moyen qu'il a trouvé de s'attacher les âmes de leur descendance. Il n'est cependant pas à l'origine du peuple hybride des Zvols et son influence sur eux est récente.

Et c'est cet enfant qui sera la pierre angulaire de la terrible intrigue qui va se nouer au printemps de l'an 633 de la Chute.

Le secret des Runenmeister

Galdur n'est pas un Runenmeister quelconque, il fait partie des rares Runenmeister liés au dieu Loki. C'est d'ailleurs pour cela qu'il fut envoyé par les Runemeister pour récupérer les jeunes gens enlevés par les Zvols. En effet, le conflit entre les colons norriens et les Zvols était au départ un banal - quoique particulièrement brutal et cruel - conflit de voisinage, rien qu'un surcroît de violence ne pût résoudre à terme. Quoique les Zvols fussent pour les Runenmeister des aberrations, ils étaient finalement moins menaçants que les colonies gobelines parce que peu susceptibles de se multiplier plus vite que les Norriens eux-mêmes, puisque leur biologie est fondamentale humaine.

Les enlèvements de jeunes gens des deux sexes   furent en revanche un événement beaucoup plus inquiétant. En effet, si les Zvols avaient en eux du sang démoniaque, il était en principe amené à s'affaiblir peu à peu avec le temps à moins de reprendre un commerce charnel avec des démons. Or les Runenmeister savaient que les démons eux-mêmes ne hantaient plus le pays depuis longtemps. Ainsi le rapt des adolescents fut interprété comme un signe de la présence de nouveaux démons dans les Collines Brûlées, désireux de mêler leur sang à celui des hommes et réclamant pour cela des partenaires "purs", car le croisement de plusieurs origines démoniaques n'est en général pas viable sous forme mortelle.

Les Runenmeister décidèrent donc de juguler cette menace au plus vite, quête périlleuse mais surtout ardue, car les démons sont fort peu connus des Runenmeister et des Ases, à l'exception de Loki justement. Ainsi, comme il est maintes fois raconté dans les sagas nordiques, on fit une fois de plus appel aux connaissances et à la ruse du sulfureux Loki de sinistre réputation pour une tâche dangereuse et difficile. Galdur, qui était alors le Runenmeister lié à Loki le plus puissant, accepta de s'en charger à une condition cependant : qu'on lui confiât pour cette fois les trois Frères-Panique, c'est-à-dire les trois Runenmeister maudits, rendus fous par leur lien à Loki justement.

Ces trois Runenmeister se rendirent tristement célèbres au cours du Walpurgis de l'année 616, en se livrant à des massacres en apparence aveugles et insensés sur des villages de paysans dans le Nordmark. Il arrive que les Runenmeister commettent des crimes mais il s'agit en principe de cas isolés, et tout le monde s'accorde en général à considérer qu'il y avait une raison à cela, par exemple que la victime avait offensé les Ases d'une manière ou d'une autre. Mais que des villages entiers dussent disparaître par le fer, le feu, et l'apparition de créatures démoniaques, sortait manifestement du niveau jugé comme acceptable de violence arbitraire.

Il fallut une expédition menée par le roi Wolf lui-même accompagné de son jeune fils Karl pour en venir à bout, au terme de laquelle les trois immortels furent envoyés au Runnland pour y être pendus au Wotanshahn, le plus ancien Irmensul du Norrenwelt, celui que les premiers Runenmeister arrivés au Norrenwelt trouvèrent, et interprêtèrent comme un signe que les Ases leur destinaient cette terre à eux ainsi qu'à leur peuple. Ils ne peuvent mourir mais un puissant enchantement runique les maintient prisonniers du Wotanshahn. Mais Galdur parvint à obtenir qu'ils fussent libérés le temps d'accomplir la mission qui lui avait été confiée : récupérer les jeunes gens enlevés mais surtout vaincre Radzlom. Pour cela il fallut le pouvoir de Loki s'exprimant pleinement à travers ceux qui étaient de fait les plus proches de lui : les trois Frères-Panique, parmi lesquels se trouvait Maïlith, frère cadet du prince Karl... Galdur et ses trois monstres parvinrent à enchaîner Radzlom sous sa forme native avec des chaînes d'or enchantées et à l'enfermer dans une grotte, à la frontière entre les Collines Brûlées et le Runnland, qu'ils scellèrent définitivement. Ces chaînes sont couvertes de runes futhark maintenant le démon prisonnier et la grotte est scellée d'une trappe de fer. Les trois Frères-Panique furent alors rendus au Wotanshahn, mais les Ases leur accordèrent de perdre conscience au lieu de ressentir la souffrance de la pendaison.

Loki accomplit une fois de plus l'ouvrage que les autres dieux lui avaient demandé, mais il choisit d'introduire lui-même un accroc dans la trame, un élément imprévu qui lui permettrait le cas échéant de reprendre la main plus tard. Loki sera l'adversaire des autres dieux lors du Ragnarok, et il a laissé à chaque occasion où les Ases ont fait appel à lui un levier dont il compte bien se servir le moment venu. Les trois Frères-Panique seront essentiels au jour du Ragnarok, aussi a-t-il prévu de les libérer de la même manière qu'ils le furent pour combattre Radzlom. Il ignorait la clef de l'enchantement qui les maintenait prisonniers mais leur libération provisoire allait lui donner l'occasion de l'apprendre. Galdur avait donc pour mission de comprendre la nature de l'enchantement liant les Frères-Panique au Wotanshahn tout autant que de vaincre Radzlom.

Mais évidemment les autres Runenmeister s'y attendaient, et une fois de plus le jeu pervers opposant la ruse de Loki au pouvoir des autres Ases se joua par l'intermédiaire de Galdur et de ses confrères Runenmeister. Les Runenmeister surprirent d'abord Galdur en l'autorisant à assister à la cérémonie de libération des Frères-Panique, et le laissant observer tout à son aise la manière dont ils défirent leurs liens magiques. Ainsi Galdur apprit la formule runique qui lui permettrait plus tard de libérer les Frères-Panique.

Galdur bénéficait d'un enchantement runique très puissant, mis en place par Loki lui-même, qui le protégeait de toute forme de dégât matériel par une arme quelconque. Galdur se croyait donc paré à toute traîtrise de la part de ses confrères, car s'ils essayaient de s'en prendre à lui ce serait sans doute d'abord par les armes, et sans doute en-dehors de la terre sacrée du Runnland. Mais Galdur ignorait un fait tout simple : les Runenmeister connaissaient ce pouvoir qui le protégeait, en raison d'une indiscrétion de la déesse Hel, fille de Loki qui aborrhe les démons en général ainsi que les Frères-Panique. Sur le conseil d'un Totenmeister donc, les Runenmeister surprirent Galdur alors qu'il dormait dans une ferme sur le chemin de Kristania où il se rendait après avoir ramené les Runenmeister au Runnland, bien décidé à revenir les chercher le moment venu. Plutôt que de l'attaquer avec des armes, les Runenmeister brûlèrent vif Galdur et ensuite massacrèrent la famille de fermiers afin de ne laisser aucun témoin. La ferme toute entière flamba comme une torche et les paysans des environs n'osèrent rien reconstruire.

Le terrain de la ferme redevint un champ qui resta abandonné, et du blé sauvage poussa sur les cendres des morts. Pour les Runenmeister la menace était contenue et la clef runique à nouveau connue d'eux seuls. Mais les runes perdurent. Et comme le disent les chants des Runenmeister eux-mêmes elles sont en toute chose : sur la patte du loup, sur la roue lorsqu'elle tourne, sur les rayons du Soleil etc... Ce blé sauvage qui avait crû sur les cendres de Galdur portait en lui les runes de cet enchantement pour lequel il était mort. Ce blé ne fut jamais récolté jusqu'à l'été 632, à la fois en raison de la crainte qu'il inspirait que du fait que le blé sauvage est d'une qualité comestible fort mauvaise.

Mais une nuit d'août 632 un homme arriva au village (qui s'appelle Käla) et demanda l'hospitalité dans une ferme voisine et se fit raconter au cours du souper l'histoire de cette terre maudite. C'était un jeune homme vêtu de rouge et de noir, aux longs cheveux blonds et bouclés, d'une beauté parfaite, presque inhumaine, aux yeux bleus animés d'une étrange étincelle de cruauté. Il insista pour repayer ses hôtes de leur générosité en allant récolter le fameux blé qui allait pourrir sur sa tige dès septembre. Les fermiers refusèrent mais le jeune homme insista tant et si bien qu'ils lui prêtèrent une faucille et un fléau. De toutes manières il n'aurait certainement pas le temps d'en récolter beaucoup avant la nuit, encore moins de le battre. Mais le jeune homme ne dormit point. Il revint à l'aube suivante avec la faucille, le fléau... et quelques sacs de blé prêt à être moulu, puis s'en fut comme il était venu. Surpris mais désireux après tout de ne pas perdre le bénéfice de ce blé puisque le plus dur avait été fait, les fermiers envoyèrent ce blé maudit au moulin avec leur propre récolte. On tira contre toute attente de ce blé une farine d'excellente qualité qui fut vendue à des mercenaires de passage.

Ce terrible secret pourra peut-être ressurgir selon les choix des PJs.

L'ambition du Margrave

L'histoire eût pu en rester là. Après tout Radzlom est enfermé, les Frères-Paniques rendus à leur châtiment éternel et Erik l'enfant-démon est entre les mains du plus grand mage démoniste du royaume... Mais c'est là que la politique intervient.

Njáll Leifson, le margrave de Rabenheim, est un ambitieux personnage qui entend bien mettre au pas les habitants de la Marche de Vitskogen. Un Thing rassemblant les représentants des cinq bourgades fortifiées est prévu à l'occasion du solstice d'été de l'an 633. De nombreux mariages seront célébrés à l'occasion de cette fête qui commémore les épousailles de Thor et de Sif. Njáll Leifson lui-même sera présent à cette occasion et exigera des Westmarkiens qu'ils se soumettent à l'autorité princière, c'est-à-dire qu'ils acceptent de payer des impôts. Il sait que leur réponse sera probablement négative, et a prévu d'influer sur leur décision par un odieux stratagème.

Les Westmarkiens se considèrent comme indépendants de fait car dans l'ensemble ils ont jusqu'à présent assuré seuls leur sécurité, si l'on excepte l'épisode des Runenmeister, lesquels ne sont pas perçus comme relevant de l'autorité royale. Seule la citadelle de Rabenheim est en pratique protégée par les troupes du Margrave. Estimant qu'ils n'ont pas besoin de la protection de celui-ci, ils n'ont nulle intention de lui verser une quelconque taxe. De fait ils parviennent à maintenir les Zvols à distance depuis neuf ans sans l'aide de personne, sans avoir toutefois pu s'en débarrasser définitivement. Le Margrave Njáll Leifson a décidé de faire d'une pierre deux coups : écraser les Zvols et rabattre le caquet des Westmarkiens en leur montrant qu'ils ont besoin de l'autorité princière. Tout d'abord il compte amener les Zvols à reprendre des campagnes particulièrement violentes et agreassives à l'égard des Westmarkiens, et les pousser même à raser Nah ou une autre des cinq villes rebelles, pour ensuite les écraser avec ses troupes, sauvant les Westmarkiens de l'extermination et prouvant ainsi la nécessité d'une protection royale.

C'est pour la première phase de son plan qu'il a justement besoin du jeune Erik. Njáll Leifson connaît Maître Manassé car il fut l'un de ses premiers élèves mais quitta Serpent-Azur au bout d'un an. Si Njáll Leifson était un piètre apprenti-mage, il est en revanche un chef de guerre habile et impitoyable, et notamment un assez bon juge de caractère. Il a reconnu Maître Manassé lorsque celui-ci est venu à Nah sous l'identité d'un marchand orgète et se doute que le fruit des entrailles de l'infortunée Brynja n'est pas perdu pour tout le monde. Au cours de l'hiver précédent, Njáll Leifson a recueilli un jeune homme du nom d'Oddgeir Daggson de 25 ans qui avait apparemment marché depuis Grünberg jusqu'à Rabenheim "pour voir la mer" et avait failli mourir de froid dans la neige. Fils de Daggur Main-Lourde, l'aubergiste de Grünberg, il a participé à l'expédition dirigée par les Runenmeister et en est revenu manifestement fou selon sa famille. Mais Njáll Leifson a reconnu chez lui les symptômes d'une possession démoniaque en narcose active, c'est-à-dire qu'il porte un démon en lui qui sans pouvoir véritablement prendre possession de lui l'influence suffisamment pour lui faire tenir des propos incohérents et parfois même l'entraîner dans de violentes crises de démence. De fait le malheureux Oddgeir est devenu véritablement fou à force de porter cette odieuse présence en lui. Personne dans le Westmark ne connaît la véritable nature de son affliction et le Margrave s'est bien gardé d'en parler à sa famille... Car ce démon est lié justement à Radzlom et dans les propos en apparence insensés du jeune homme transparaît à une oreille avertie des avertissements prophétiques concernant Radzlom et son fils Erik à Kristania. Radzlom attirerait bientôt à lui son enfant pour que celui-ci prenne le contrôle des Zvols et le libère ensuite de sa prison. L'ignoble hobereau se mit alors en tête d'utiliser Erik pour réveiller les Zvols de leur relative apathie : puisqu'ils avaient jadis servi Radzlom, pourquoi ne reconnaîtraient-ils pas sa progéniture?

Il proposa donc à Maître Manassé à l'occasion d'un voyage à Kristania le marché suivant : qu'Erik lui soit confié, en échange de quoi il s'engageait à partager avec le mage ses prises de guerre sur les Zvols : prisonniers et butin, ce qui ne pouvait manquer évidemment de l'intéresser. Bien entendu le Margrave n'a nulle intention de libérer Radzlom lui-même et compte bien écraser les Zvols bien avant qu'ils aient pu tenter quoi que ce soit. Mais Maître Manassé en revanche espère justement libérer Radzlom pour le capturer lui-même. Il a donc accepté en apparence le marché du Margrave mais compte bien tirer son épingle du jeu. Et c'est pour ne pas éveiller la méfiance de son rusé partenaire qu'il enverra un parti d'aventuriers conduire Erik jusqu'à Rabenheim plutôt que de le faire lui-même. Il a choisi Yr tout d'abord en raison de sa dette envers l'école mais aussi parce qu'elle parle le démoniaque sans être elle-même magicienne, ce qui fait d'elle la parfaite escorte : elle sera à même de se faire comprendre et obéir d'Erik, mais n'aura pas d'intérêt propre à se servir de lui si jamais elle venait à connaître sa vraie nature.

Si seulement ils avaient su...

Quelques points essentiels seront bien entendu inconnus des PJs au début :

- L'améthyste qu'Yr a récupérée à Lördag lui est parfaitement inconnue et pour cause : elle n'a jamais appartenu à sa mère. L'améthyste vient en fait de Manassé lui-même qui a magiquement modifié les souvenirs du paysan qui s'est occupé de la dépouille mortelle de sa mère afin qu'il lui transmette ce patrimoine frauduleux. L'améthyste est magique et un texte démoniaque est inscrit à l'intérieur de l'améthyste, mais si finement que seule une loupe permet de s'en rendre compte. La nature magique de l'améthyste est très discrète et ne sera perçue par Yr (ou n'importe qui d'autre ayant la bague en main)  que si elle réussit un jet de la compétence Identification de la magie égal au minimum à 25. Yr elle-même a donc peu de chances de détecter la vraie nature de cette bague, mais Ighieras et Sveinn en revanche en sont beaucoup plus susceptibles. Par-contre elle seule pourra lire la nature de l'enchantement : il permet à Manassé d'observer et d'entendre par l'améthyste, mais aussi de se rendre où elle se trouve par affusion. Manassé compte bien l'utiliser pour surveiller ce qui se passe autour d'Erik le temps du voyage et la récupérer ensuite.

- Oddgeir Daggson porte en lui un démon du nom de Sto Let ("cent ans" en démoniaque; cf. Démons), démon-servant de Radzlom qui l'accompagna dans son voyage chez les Zvols. Sto Let a tenté de prendre possession du malheureux Oddgeir mais s'est retrouvé en narcose. C'est la raison pour laquelle il a échappé à la sagacité de Galdur et des Runenmeister. Nul à Grünberg n'a la moindre idée de ce qui lui est arrivé. À certains moments il parlera en démoniaque sous l'influence de Sto Let et pourra révéler certaines informations essentielles aux PJs, notamment au sujet de ce que le Margrave Njáll Leifson lui a fait dire, de Radzlom lui-même, et surtout d'Erik. S'il voit Erik, Sto Let le reconnaîtra et tentera de se faire connaître de lui comme "loyal serviteur de son père". Sto Let est un démon particulièrement servile qui attend que son maître Radzlom le libère de sa prison de chair.

- Le mystérieux jeune homme venu à Käla pour récolter le blé maudit n'est autre que Loki lui-même, désireux de révéler les runes de l'enchantement tenant les Frères-Panique prisonniers du Wotanshahn. Loki est un dieu joueur, qui aime à s'en remettre au hasard. Il a agi sans savoir ce qui allait se passer, mais se contente en quelque sorte de relancer la partie avec les Runenmeister. La farine tirée du blé maudit portait en elle les runes mystérieuses, qui réapparurent sous la forme d'un tatouage sur la peau de l'infortuné Ragnar quelques heures après qu'il eut mangé de la bouillie faite avec cette farine. Les runes sont apparues peu à peu pendant le temps qu'il a passé dans la forêt, plongé dans un cauchemar dont il n'a aucun souvenir mais qui lui raconta l'histoire des Frères-Paniques, de Galdur jusqu'à sa mort et de l'intervention de Loki. Mais ces secrets sont trop profondément enfouis dans la mémoire de Ragnar pour qu'il puisse s'en souvenir de manière consciente. En tous cas Loki protège en effet le texte qu'il a révélé à travers Ragnar, et détourne de celui-ci les coups mortels. Ragnar ignore la teneur du texte mais pourra se la faire lire par un Runenmeister le cas échéant :  "Le haut frêne vacille et ses frondaisons tremblantes font danser ceux qui sont y sont pendus. Trois ombres presque humaines et parmi eux le fils d'un roi. Tant que l'arbre tient c'est au bout de nos cordes que nous vous gardons. Car Lodur nous donna les couleurs de la vie, et nous savons contrefaire sa voix. ". Le sens de cet enchantement est que Loki (désigné sous son nom antique Lodur) ayant participé à la création des hommes, ceux-ci peuvent "contrefaire sa voix", en l'occurrence acquérir un contrôle suffisant sur les Frères-Paniques pour les  maintenir prisonniers, attachés au Wotanshahn qui en tant qu'Irmensul est un symbole du Frêne Yggdrasil lui-même. Évidemment ce texte paraîtra particulièrement obscur aux PJs au début, mais s'ils s'y intéressent ils auront la possibilité de le comprendre au fur et à mesure de la partie.

- Les Zvols sont une population humaine mais teintée par du sang démoniaque. Cette nature hybride se manifeste tout d'abord par leur apparence qui peut être à peine étrange ou franchement monstrueuse suivant les cas. Leur culture et leurs habitudes de vie sont également très particulières. Leur langue maternelle est le démoniaque, et quoiqu'aucun d'entre eux ne soit mage démoniste, certains bénéficient de pouvoirs de magie naturelle hérités de leur ancêtre démoniaque. Contrairement à ce que suspecte Maître Manassé ils ne descendent pas tous d'un même démon, mais au contraire proviennent de croisements très variés. Leur société est d'ailleurs séparée en cinq tribus : celle de la Mère, celle de la Reine-Esclave, celle du Menteur, celle du Tueur et celle du Voyageur, correspondant aux cinq principes abyssaux (cf. Démons), et chaque lignage zvol appartient à la tribu associée au principe dominant chez son ancêtre démoniaque. La tribu de la Mère est censée être la tribu dirigeante, celle de la Reine-Esclave rassembler toute l'activité religieuse et divinatoire des Zvols, celle du Menteur ses connaissances, celle du Tueur sa force de frappe et enfin celle du Voyageur ses interactions avec l'extérieur. Les Westmarkiens l'ignorent, mais pour la plupart ils n'ont jamais rencontré que des membres des tribus du Tueur et du Voyageur. La société zvol, quoique déroutante et très fruste dans son fonctionnement, n'est pas le ramassis de monstres inhumains et désorganisés que les Westmarkiens s'imaginent.
Mais les Zvols sont des hommes malgré tout. Il faut les imaginer comme une population à demi-folle à bien des égards, mais humaine. Ils vénèrent les cinq principes abyssaux à la manière de divinités (ce qu'ils ne sont pas) et leurs valeurs sociales et éthiques s'en ressentent : la vie n'a pour eux aucune valeur si elle ne suit pas au moins l'un de ces cinq principes. Leur Teinte Spirituelle est une forme de fanatisme très particulier. Ils ont une compréhension très instinctive mais très aiguë de Tiamat, Ereshkigal, Bêlit-Séri, Nergal et Namtarou, qui n'ont rien de divinités révélées mais inspirent leurs actions et leur manière de penser.
Ainsi pour eux la société doit être capable de remettre en cause régulièrement ses certitudes et la véritable solidité réside dans la capacité à tout détruire pour tout reconstruire du jour au lendemain. Ils n'ont donc pas de lois bien établies et régulièrement quiconque est autorisé à remettre en cause à tout moment le droit coutumier pour proposer une nouvelle règle. Le choix ou non d'adopter cette nouvelle règle se fait en général à main levée sur l'impulsion du moment. C'est en cela qu'ils servent le principe de Tiamat, qu'ils appellent la Mère, le Chaos générateur. De même leurs traditions religieuses les contraignent à laisser nombre de leurs décisions personnelles aux jeux du hasard et de la divination, honorant ainsi Ereshkigal, qui représente la folie et l'absurdité de l'existence. La divination chez les Zvols n'est pas censée prévoir l'avenir mais indiquer la voie permettant d'honorer Ereshkigal. Les Zvols se livrent parfois à des actes insensés après avoir fait appel au conseil des Devins de la Reine-Esclave. Bêlit-Séri quant à lui est honoré d'une bien étrange manière : les Zvols ne punissent jamais le mensonge, considérant que ceux qui en sont victimes se devaient de le repérer eux-mêmes. De ce fait les Zvols excellent à savoir si on leur ment : on peut considérer qu'ils ont tous une compétence "psychologie" à 20 au minimum, ce qui influera considérablement leurs éventuelles relations avec les PJs. Nergal est honoré d'une manière fort classique, à travers des rituels de passage à l'âge adulte particulièrement violents et douloureux, associés à diverses mutilations et tortures rituelles. Enfin Namtarou est honoré d'une manière assez surprenante : les Zvols considèrent que le désir de solitude et d'intimité est néfaste, et vivent en communauté. Ils expriment le principe du Vagabond en refusant les frontières sociales, la propriété privée des biens immeubles ainsi que les principes de séparation liées à l'hygiène de base : ils dorment par exemple avec leurs animaux domestiques.
Ce que les PJs seront amenés à comprendre s'ils s'intéressent aux Zvols, c'est que ceux-ci ont une relation très ambivalente à leur ascendance démoniaque. Certains d'entre eux la rejettent dans la mesure où ils refusent toute forme de relation avec les Abysses, notamment avec les Seygneurs des Abysses comme Radzlom, et car ils considèrent que toute forme de lien aux démons ne peut conduire qu'à une forme de servitude (ce en quoi ils n'ont pas tort) et d'autres aspirent au contraire à se rapprocher de leur origine démoniaque en se rapprochant des démons. C'est cette faction "pro-Abysses" qui l'a emporté lors de l'épisode du rapt de Brynja : Radzlom s'était révélé aux Zvols et leur avait promis de leur faire don de son sang, et avec cela de plus grands pouvoirs afin d'en finir avec les colons westmarkiens. Mais ce que ceux qui ont participé à l'expédition punitive dirigée par Galdur et les Frères-Paniques sont seuls à savoir c'est que l'expédition ne fut un succès et Radzlom ne fut vaincu que grâce à la complicité d'une partie des Zvols appartenant à la faction "anti-Abysses". C'est entre autres pour cela que ceux qui ont participé à cette expédition n'en parlent pas, mais aussi à cause de la férocité dont les Frères-Panique ont fait preuve, les rendant aussi effrayants que les démons qu'ils combattirent.
Au moment où se déroule cette aventure, les Zvols sont toujours divisés sur ce point et l'apparition d'un fils de Radzlom fera ressurgir cet antagonisme. Les PJs devront pouvoir entrer en contact avec les Zvols "anti-Abysses" pour parvenir à faire échouer l'infâme complot du Margrave si c'est ce qu'ils comptent faire.

  Les personnages

Ces personnages sont adaptés à cette aventure mais il est possible d'en adjoindre d'autres à l'équipe voire d'en créer des nouveaux, du moment que l'un d'entre eux peut parler le démoniaque.

Yr Sindradottir, guerrière norrienne de niveau 4

Magicienne ratée devenue mercenaire, Yr est un personnage à l'historique complexe, à confier à un joueur ou à une joueuse expérimenté(e), car elle a un rôle moteur dans l'histoire.

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De père inconnu, Yr est la fille de Sindra, une rebouteuse de Lördag, un petit village du Salzstein non loin de Kristania, vivant surtout d'une mine de plomb à proximité. Comme la plupart des rebouteuses, Sindra était une fausse faëriste, c'est-à-dire qu'elle connaissait par cœur nombre de charmes faëriques (cf. la langue faërique) sans connaître la langue elle-même. Yr s'étant montrée dans sa jeunesse très vive dans l'apprentissage de ces charmes et ayant même réussi à en inventer de nouveaux en combinant les mots qu'elle connaissait, Sindra en conçut de grands espoirs pour sa fille unique. Afin qu'elle ne vécût point comme elle de charmes, d'herbes et de prostitution lorsque la demande venait à manquer, Sindra partit à Kristania avec sa fille et une bourse contenant une cinquantaine de Wolfgulden pour aller l'inscrire à Serpent-Azur, la fameuse école de magie.
Là la petite Yr, qui n'avait alors que dix ans, fut présentée à Clarensia de Valois, la fameuse magicienne orgète qui est l'Archimage du Royaume. Sindra demanda que l'on fît de sa fille une magicienne, offrant sa bourse d'or pour payer son instruction. La somme était insuffisante, mais Yr fut néanmoins acceptée au vu de son habilité à utiliser les charmes faëriques. Comme cela arrive souvent, l'école accepta de lui avancer le complément, à condition qu'elle rembourse plus tard ce qu'elle devait, soit sous la forme de services rendus aux Maîtres de l'école, soit avec les premiers revenus que son statut de magicienne lui procurerait. Ainsi Yr devint l'une des élèves de la mystérieuse école de Serpent-Azur (cf. l'article éponyme à ce sujet).
Mais quelque chose se produisit, qui allait avoir une importance décisive pour la suite de son histoire. Yr pensait être admise au sein de la Chambre de la Licorne, qui enseigne la langue faërique, afin de devenir une véritable magicienne faëriste, mais elle fut orientée par décision de l'Archimage Clarensia elle-même vers la Chambre Cramoisie, qui enseigne la langue démoniaque. Quoique surprise par cette étrange décision, Sindra n'insista pas, car l'essentiel à ses yeux était que sa fille devînt magicienne, de quelque manière que ce fût.
Sous la direction de Théophile Manassé, le Bâtonnier (c'est-à-dire le premier des Maîtres) de la Chambre Cramoisie, Yr revêtit la robe grise des élèves de Serpent-Azur et ceignit la longue ceinture de soie noire qui indiquait son appartenance à la Chambre censée former les mages démonistes. Elle y resta jusqu'à ses quatorze ans.
Elle montra au début une certaine facilité dans l'apprentissage de la langue démoniaque, et de fait la parle, la lit et la comprend aisément encore aujourd'hui, mais elle se montra beaucoup plus rétive à l'utilisation de cette langue pour en tirer des pouvoirs magiques. De l'avis de Maître Manassé, sa pratique des charmes faëriques, particulièrement simples et intuitifs à utiliser, l'avait paradoxalement rendue réticente à fournir l'effort d'abstraction nécessaire à l'éveil des pouvoirs magiques de la langue démoniaque, beaucoup plus ardue. Maître Manassé décida alors d'éveiller en elle une forme d'intuition proche associée à la langue démoniaque en avançant la date prévue de la création de son démon-reflet. En effet, les mages démonistes (cf. la langue démoniaque) se distinguent des mages démonologues en ce qu'ils accueillent volontairement en eux une créature démoniaque, créée pour l'occasion, dont ils tirent de nombreux pouvoirs.
Horrifiée par la perspective d'accueillir en elle une créature démoniaque, Yr refusa et quitta Serpent-Azur, endettée mais toujours pas magicienne. Elle retourna d'abord à Lördag où sa mère lui fit un fort mauvais accueil, furieuse de voir sa fille renoncer à cette opportunité unique de promotion sociale. Mère et fille échangèrent des mots très durs, au terme desquels Yr partit sur les routes, seule et désespérée, déterminée à ne plus jamais revoir sa mère mais aussi à ne pas mener la même vie que celle-ci. Elle vécut de mendicité et de rapines quelques mois, et le jour même de ses quinze ans son chemin croisa celui d'une compagnie de mercenaires en route vers l'Ardei, où la sempiternelle guerre contre les gobelins payait bien.
Cette rencontre fut le second tournant de son existence : elle parvint à utiliser les charmes faëriques qu'elle n'avait pas oubliés pour soigner le cheval du capitaine de la compagnie et devint ainsi en quelque sorte la mascotte du groupe. Peu à peu elle apprit à manier les armes et devint une guerrière accomplie au sein de cette nouvelle école. Ayant participé avec succès à quelques missions particulièrement périlleuses contre les Gobelins, elle reçut une solde exceptionnelle avec laquelle elle décida de commencer à rembourser Serpent-Azur, car mieux vaut ne pas oublier une dette contractée auprès de l'Archimage.
C'est ainsi que par une belle matinée de printemps de l'année 633, alors qu'elle venait d'atteindre ses dix-neuf ans, elle se présenta à Serpent-Azur pour payer son dû. Ce fut son ancien maître qui la reçut et lui proposa une mission en apparence fort simple, qui si elle l'acceptait effacerait sa dette à l'égard de l'école. Yr accepta et Manassé lui rendit même les cinquante Wolfgulden que sa mère avait versés neuf années plus tôt. Yr décida alors de revoir malgré tout sa mère pour lui rendre cet or, afin de ne plus rien lui devoir. Mais en arrivant à Lördag elle trouva la maison vide et sa mère morte depuis deux ans. Un ami avait gardé pour elle quelques bricoles, et notamment une bague d'argent noirci portant une améthyste, totalement inconnue pour Yr, mais qu'apparemment sa mère avait supplié  sur son lit de mort qu'on la remît à sa fille si elle revenait un jour.
Agitée de sentiments contradictoires de chagrin et de colère, Yr revint à Kristania, cette bague inconnue au doigt, pour accomplir la mission confiée par Manassé.

Yr est une guerrière de niveau 4, ce qui correspond au niveau moyen qu'on peut attendre d'un jeune mercenaire. Elle dispose d'une affinité démoniaque, puisqu'elle parle cette langue, mais d'aucun pouvoir magique en ce domaine. Elle peut donc seulement parler, lire et écrire dans cette langue, et voir les pentacles démoniaques, ce qui lui permet d'identifier les démons incarnés notamment (cf. Démons), compétence qui lui sera fort utile au cours de l'aventure. Elle a accès également aux charmes faëriques décrits dans l'article sur la langue faërique, mais le joueur ou la joueuse incarnant Yr devra les réciter de mémoire pour pouvoir les utiliser.

Ragnar Leifson, guerrier norrien de niveau 4

Mercenaire et compagnon d'Yr, Ragnar est en apparence un personnage beaucoup plus simple, du moins tant que l'histoire de son mystérieux tatouage n'intervient pas. Cela peut rester un élément secondaire ou au contraire participer au déroulement de la partie selon le désir du joueur et son investissement dans le déroulement de l'histoire.

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Ragnar est originaire de Kristania. Né dans une famille de marins, il a d'abord été une petite frappe de la pègre de Kristania, avant de s'engager dans une compagnie mercenaire à l'âge de seize ans. C'est un guerrier habile et chanceux, d'un naturel étrangement insouciant et aimable étant donné la vie qu'il mène. Il porte sur son visage, son cou, son épaule et son bras gauches un tatouage runique dont il ignore le sens. Il n'a surtout aucune idée de la manière dont ce tatouage s'est retrouvé sur sa peau. Il sait seulement qu'une nuit, alors qu'ils avaient monté le camp aux alentours d'un village appelé Käla, il quitta le camp en plein nuit, complètement somnambule, et alla se perdre dans la forêt. Il parvint à rejoindre sa compagnie une semaine plus tard, n'ayant aucun souvenir de ce qui lui était arrivé, mais avec cet étrange tatouage. La proximité du Runnland tint lieu d'explication pour ses camarades mercenaires et l'apparition de ce tatouage fut interprêtée par la suite comme un don des dieux, lorsque Ragnar parut jouir d'une chance insolente en combat, si téméraire qu'il fût. Ragnar devint ainsi une petite légende parmi les autres mercenaires et c'est ainsi qu'il attira l'attention d'Yr. Ragnar est aussi téméraire et insouciant qu'elle est prudente et calculatrice, et ils forment de fait une sorte de couple fort complémentaire.
Au cours de l'aventure, Ragnar sera confronté à des indices plus ou moins explicites au sujet de son tatouage. Erik lui en parlera à mots couverts, mais le Peuple-Fée de la forêt de Vitskogen pourra également lui en parler. De manière générale selon le désir du joueur ce tatouage pourra jouer un rôle déterminant ou non. Si les joueurs finissent par apprendre la fonction du tatouage, ils pourront choisir de libérer les Frères-Panique une seconde fois pour vaincre Radzlom à nouveau, mais l'aventure peut se dérouler sans que le tatouage intervienne d'aucune façon.
Il pourra paraître étrange aux joueurs que Ragnar n'ait pas cherché à se faire traduire le sens du tatouage, mais il est essentiel de bien comprendre que les runes sont pour les Norriens en général des dessins plus que des lettres, et dont le sens est nécessairement mystérieux. Par ailleurs les Runenmeister se rencontrent rarement et dans la mentalité norrienne le fait que Ragnar ignore tout du sens de ce tatouage est sans doute ce qui lui confère sa vertu protectrice. Ragnar pourra donc même être réticent à essayer d'en savoir plus. Yr en revanche, de par sa culture de lettrée, sera sans doute beaucoup plus curieuse. Le MJ pourra mettre sur le chemin des PJs un Runenmeister s'il veulent en savoir plus sur ce tatouage, quoiqu'une telle rencontre ne soit par défaut pas prévue.

Sveinn Morgenson, guide norrien de niveau 4

Vagant, c'est-à-dire chasseur de composantes alchimiques, Sveinn est le type même du scélérat sans scrupules, et conviendra parfaitement aux joueurs qui aiment jouer les antihéros et créer des tensions au sein du groupe.

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Sveinn est originaire du Westmark, et plus précisément du village de Grünberg. Enfant d'une famille de paysans, il s'enfuit du logis familial à l'âge de dix ans pour échapper à une volée de bois vert particulièrement violente que son père n'eût point manqué de lui infliger. À la fin d'un hiver particulièrement rigoureux, alors que les vivres se faisaient rares, Sveinn, tenaillé par la faim, dévora une partie du poisson fumé qui devait permettre à la famille de tenir une ou deux semaines encore. Affolé par sa propre audace, il préféra s'enfuir là où il savait que ses parents n'oseraient jamais le poursuivre : la forêt enchantée de Vitskogen.
Sveinn était certain de mourir de froid ou de peur dans cette forêt hantée de créatures inhumaines. En effet le Peuple-Fée de Vitskogen étant fort mal disposé à l'égard des humains en général, le petit Sveinn eût sans nul doute péri sous les yeux indifférents des Nymphes et des Licornes, mais le hasard ou la providence le conduisit au pied d'un arbre qui était habité par une très ancienne Hamadryade. La Nymphe attendrie protégea l'enfant du froid, de la faim et de la haine de ses congénères. Sveinn est donc resté une année entière sous la protection de Sinëa l'hamadryade de Vitskogen. Il apprit à ses côtés à parler la langue faërique (qu'il ne sait cependant pas écrire) ainsi que de nombreux secrets du Peuple-Fée à l'ombre de la ramure bienveillante de l'arbre auquel Sinëa avait lié son destin. Peu à peu les créatures de Vitskogen s'attachèrent à cet étrange enfant et Sinëa l'appelait même son fils lorsqu'elle le prenait entre ses bras sous sa forme humaine.
Un matin d'hiver une petite troupe de vagants entra dans la forêt et croisa le petit Sveinn. Ils étaient discrets, silencieux et respecteux des usages du Peuple-Fée, aussi purent-ils avancer au cœur de celle-ci sans s'attirer sa colère. De plus, la simple présence du petit Sveinn parmi eux avait rendu à certaines créatures féériques un semblant de confiance en l'humanité. Le petit peuple accorda donc le bénéfice du doute à cette bande d'aventuriers. Bien mal en en prit, car si ces Vagants s'étaient tenus si tranquilles c'était parce qu'ils visaient un gibier de choix : le bois de l'arbre de Sinëa, le fameux bois-vif qui vaut dix fois son pesant d'or.
Leur chef, un certain Ulf, eut l'intelligence de commencer par approcher Sveinn, ravi et surpris à la fois de revoir des êtres humains. La petite bande fut amicale et même affectueuse à l'égard du gamin, qui se laissa aisément amadouer. Ulf était un vagant rusé et patient. Lorsqu'il eut acquis la confiance de l'enfant il la mit à profit pour savoir quelles créatures féériques veillaient sur Sinëa et connaître leurs habitudes. L'instant propice arrivé, les vagants tuèrent les protecteurs de Sinëa et abattirent celle-ci. L'arbre tombé, la forêt toute entière tomba dans une stupeur totale, incapable même de venger l'ignoble meurtre.
La forêt se tut alors, et il fut aisé à Ulf de faire venir d'autres hommes pour enlever l'arbre. Ce fut le pire jour de l'existence de Sveinn, car si le Peuple-Fée semblait avoir quitté Vitskogen, comme si la mort de Sinëa l'avait rendu hagard, l'enfant lui se savait condamné à jamais. Lui-même faillit devenir fou de colère et de chagrin, ayant trahi malgré lui sa bienfaitrice. Les vagants l'enlevèrent en même temps que l'arbre sacré et l'adoptèrent, convaincus que son attachement pour le Peuple-Fée était au mieux une lubie et au pire un envoûtement dont il fallait le libérer.
Par un de ces mystérieux ressorts de l'âme humaine, Sveinn devint avec les années un vagant de la même espèce impitoyable qu'Ulf et ses sbires, pire même en un sens car il méprisait la vie humaine tout autant que le Peuple-Fée. Il devint ainsi à la fois l'un des vagants les plus habiles et les plus audacieux du Norrenwelt de par sa connaissance du Peuple-Fée.

Ighieras Alfson, dit la Perche, guide norrien de niveau 4

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Enfant humain adopté par les Nashtyl, un clan d'Elfes Sauvages de Lodz (au nord du Norrenwelt), la Perche est la contrepartie de Sveinn. Quoique guide lui aussi et également vagant, il essaie de pratiquer honorablement son métier, en respectant les populations féériques et elfiques au même titre qu'humaines. De nombreuses contradictions sont susceptibles d'apparaître avec Sveinn.

De parents inconnus, Ighieras a passé toute son enfance sur les terres du clan Nashtyl, aujourd'hui sur les terres du jarl de Lodz, mais bien avant que Dynhaÿl von Lodz, la "petite reine des Elfes", s'y installe et établisse sa suzeraineté approximative sur cette contrée. C'est au contact de sa famille adoptive qu'il a appris son métier de guide, et a acquis les connaissances qui allaient faire de lui un vagant, comme Sveinn, mais d'un genre assez particulier.
Ighieras mène en effet son commerce dans le respect du Peuple-Fée qu'il a appris à connaître et apprécier lors de sa jeunesse auprès des Nashtyl. Il a pris le nom "Alfson" pour revendiquer son ascendance elfique, quoique adoptive (son surnom de "La Perche" lui vient de sa grande taille, comparée à celle des Elfes). Les Norriens se méfient en général des "enfants des Elfes", c'est-à-dire des humains élevés par des Elfes. Mais Ighieras porte ce nom avec fierté et sa connaissance étendue du Peuple-Fée lui a permis de devenir un Vagant efficace, quoiqu'il y ait certaines composantes alchimiques qu'il se refuse à vendre, car il est impossible de les glaner en respectant la dignité du Peuple-Fée (comme le bois-vif etc... cf. Peuple-Fée). Contrairement à la plupart des vagants, Ighieras se distingue par un comportement respectueux et honorable, du moins au sens norrien du terme. Il est d'un caractère discret et a reçu de ses parents adoptifs une certaine éducation. Il a par exemple appris à lire et à écrire, ce qui en pratique lui rend bien des services dans le cadre de ses transactions avec les alchimistes.
Depuis qu'il a choisi de vivre au sein de la société humaine, Ighieras vit donc dans une sorte d'entre-deux difficile, tâchant de concilier l'inconciliable, car ceux qui s'engagent dans la carrière de Vagant sont en général des êtres sans scrupules et fort peu respectueux du Peuple-Fée. Il a servi comme Sveinn au sein de diverses compagnies mercenaires pour combattre les Gobelins, ennemis communs des Humains et des Elfes, et c'est ainsi qu'il a connu Yr et Ragnar.
Il est toujours accompagné de Wilcox, son chien de chasse avec lequel il partage un fort lien empathique. Par ailleurs il est armé d'un katana, arme fort peu courante au Norrenwelt. Cette arme lui fut offerte par ses parents adoptifs lorsqu'il décida de les quitter. Ils lui dirent seulement qu'elle se trouvait près de lui lorsqu'ils l'ont trouvé. En réalité cette arme vient d'Hyrcéniaä, et plus précisément de la ville de Nara, où vit une communauté issue du peuple Wa. En effet, la mère d'Ighieras était norrienne mais avait passé une part importante de sa vie en tant que mercenaire en Hyrcéniaä, où elle avait fait l'acquisition de cette arme. Alors qu'elle cherchait à regagner le Norrenwelt par le nord avec son fils âgé de quelques mois, elle traversa les terres qui n'étaient pas encore celles de Lodz et s'y installa une nuit pour dormir. Cette nuit son sommeil fut envahi de cauchemars inspirés par une créature démoniaque... qui n'est autre que Radzlom lui-même. Radzlom l'entraîna avec lui dans le Monde des Rêves où elle disparut à jamais du Monde Matériel. C'est pourquoi les Nashtyls ne trouvèrent que cette arme et quelques effets près du bébé. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle Ighieras a voulu devenir mercenaire : dans l'espoir de croiser quelqu'un qui ait connu sa mère, car les Nashtyl avaient suivi sa mère discrètement lorsqu'elle avait traversé leurs terres et l'avaient identifiée en tant que mercenaire, avant de constater son étrange disparition. Le katana étant l'unique objet suceptible de l'évoquer, Ighieras ne s'en séparerait donc pour rien au monde. Si le MJ le souhaite il peut jouer de cela dans les rapports entre Ighieras et Erik, car l'enfant peut tout-à-fait identifier Ighieras comme le fils de cette femme qui a plu à son père au point de désirer faire d'elle un simple rêve, et lui révéler le destin de sa mère à mots couverts, ce qui peut d'autant plus motiver Ighieras à vaincre ou détruire Radzlom.

Une mission de tout repos

La partie débute en principe lorsque Yr revient à Kristania et se rend au port pour y rencontrer son ancien Maître. Elle aura rassemblé auparavant Ragnar, Sveinn et Ighieras pour l'accompagner. Les termes de la mission sont très simples : s'embarquer avec Erik jusqu'au port de Breitglanz en Janing puis se rendre par la route jusqu'à Ohrwurm, traverser la forêt enchantée de Vitskogen jusqu'à Grünberg puis aller jusqu'à Rabenheim  où ils devront se présenter au Margrave avec l'enfant ainsi qu'une lettre de Maître Manassé. La mission est en principe relativement facile. La partie la plus dangereuse est de traverser sans encombres la forêt de Vitskogen. C'est d'ailleurs pour cela que Yr aura demandé à Sveinn et Ighieras de se joindre à elle. Elle les connaît en tant que Guides et gens avertis des dangers du Peuple-Fée car il est arrivé que l'un et l'autre se joignent à une compagnie mercenaire à l'occasion en cette qualité. Sveinn et Ighieras se connaissent et ne s'apprécient guère en raison de leur approche radicalement différente des relations avec le Peuple-Fée, mais ils ont déjà été amenés à travailler ensemble.

Maître Manassé les attend donc sur le port avec le petit Erik vêtu d'habits tout-à-fait communs. Erik a huit ans, les cheveux blonds de sa mère norrienne mais ses yeux sans pupille trahissent son origine démoniaque dans la mesure où il n'est pas aveugle. Maître Manassé l'a habillé d'un manteau à capuchon pour éviter qu'il attire l'attention de ce trait inhumain. Erik est un enfant calme et silencieux, presque trop, dont le regard vide provoque aussitôt une sensation de malaise. Sa voix est chaude et rocailleuse et n'a rien de celle d'un enfant. Il parle le démoniaque comme si c'était sa langue maternelle et la langue commune avec un étrange accent. Il sera parfaitement obéissant jusqu'à ce qu'ils entrent dans la forêt de Vitskogen. Il répondra aux questions mais souvent de manière indirecte et imprévue, comme s'il avait sur toutes choses un point de vue biaisé, inhabituel et pour ainsi dire inhumain. Tiraillé entre sa nature humaine et son ascendance démoniaque, il agira parfois de manière schizophrène. Sa part humaine est celle d'un enfant mal-aimé, timide et anxieux, sa part démoniaque est à la fois très curieuse et très ignorante de l'humanité, notamment des émotions humaines en général. Il parlera par défaut en démoniaque et c'est d'ailleurs à cause de ça que Maître Manassé a choisi une de ses anciennes élèves pour le conduire à Rabenheim. De manière générale, les propos énigmatiques d'Erik pourront être autant d'indices plus ou moins clairs que le MJ peut donner aux PJs.

Maître Manassé informera Yr de la nature démoniaque d'Erik pour lui faire comprendre la nécessité d'être discrète mais n'en dira pas plus. Il ne parlera ni du passé troublé du Westmark, ni des Zvols et encore moins des Runenmeister. Il demandera aussi à Yr de garder pour elle ce qu'elle sait sur Erik. Il donnera à Yr rubis sur l'ongle une bourse contenant quatre cents Wolfgulden (ça pèse environ 4 kg) et promettra la même somme à son retour à Kristania avec une lettre du Margrave accusant bonne réception du "colis". Charge à Yr de répartir l'or entre ses camarades : l'effacement de sa dette est compris dans le paiement. Le paiement est particulièrement généreux, aussi Yr peut-elle choisir de garder pour elle une part importante du magot. Du point de vue des autres aventuriers, cinquante Wolfgulden avant et la même somme après sera déjà un salaire honnête. Naturellement les modalités du paiement pourront déjà faire l'objet de discussions entre les PJs, surtout si Yr choisit de mentir au sujet de la somme qu'elle a reçue de Manassé.

Le voyage à bord d'un navire marchand jusqu'à Breitglanz peut éventuellement être agrémenté de quelques attaques de pirates ou de créatures marines. Au sud de Kristania se trouve un archipel appelé la Dorsale du Dragon infesté de pirates, notamment de la fameuse Guilde du Dragon d'Or, rivale déclarée de la Guilde du Nombre d'Or, la guilde de marchands et d'alchimistes la plus puissante de la planète. Quelques scènes de combat naval peuvent permettre aux joueurs de se familiariser avec les règles de combat. C'est aussi l'occasion pour les PJs d'entendre Erik tenir d'étranges propos, notamment au sujet de ses rêves. Il est en effet tourmenté par des cauchemars qui lui racontent le passé de sa mère, lui montrent les Zvols, ou son père enfermé ou encore son domaine dans les Abysses : le Pays d'Octobre.

De Breitglanz à Ohrwurm rien de spécial ne devrait se passer. Les PJs pourront acheter des chevaux et s'équiper selon leur désir à Janing. S'il est en principe impossible de faire l'acquisition d'objets enchantés, encorcelés ou consacrés à Janing, les alchimistes de la ville offrent un choix équivalent à celui de Kristania. En vue de leur voyage à travers une forêt enchantée, il peut être intéressant de faire l'acquisition de sel chtonien, de baumes royaux et impériaux et de tabac bleu... (cf. Alchimie). Il est également possible d'y acheter des armes de bonne qualité. Une fois en route, le voyage devrait se faire sans encombres. À Ohrwurm en revanche l'ambiance changera radicalement, car ce village est pour les gens du Janing la fin des terres civilisés, et l'orée de la forêt hantée de Vitskogen.

Ohrwurm est une bourgade mal famée, car c'est un repaire ou cohabitent d'une part vagants et aventuriers de tous poils, plus ou moins brigands de grand chemin, et des mercenaires payés par le Jarl du Janing afin de surveiller la frontière avec le Westmark d'une part, mais aussi la forêt elle-même. Le sentier des fées, qui traverse la forêt et joint Ohrwurm à Grünberg, est surveillé par ces mercenaires qui ne sont même pas des soldats réguliers mais une force d'appoint, placée sous la responsabilité du margrave local. Le Jarl Höldwer Sonnenfeld a en principe défendu que le Peuple-Fée soit soumis aux agressions des vagants mais le margrave local : Harald Tannenson, est un alchimiste peu scrupuleux qui au contraire encourage les vagants à exploiter la forêt enchantée le plus possible. C'est ce même homme qui jadis acheta le corps de la malheureuse Sinëa à Ulf, et il l'a toujours dans son laboratoire : la nymphe est figée sous la forme d'une satue de bois-vif, qui se trouvait au cœur de l'arbre lui-même.
Le Peuple-Fée ne se laisse cependant pas faire pour autant, et le sentier des fées, qui en principe était censé être un passage sûr dans la forêt, est devenu très dangereux à emprunter. À l'Auberge du Griffon Vert où les PJs ne manqueront pas de s'arrêter, ils entendront parler d'une jeune paysanne d'Ohrwurm, une certaine Maja, qui serait tombée sous l'emprise d'une licorne, devenue sorcière à son contact et aurait mené plusieurs attaques avec l'aide de Faunes particulièrement brutaux  contre des groupes de vagants ou de marchands sur le fameux sentier des fées. Sveinn est passé par Ohrwurm justement pendant son enfance, mais n'y est pas retourné depuis. Cependant il pourra deviner que cette fameuse licorne dont on parle n'est autre que Lydia, une licorne qu'il a rencontrée jadis, et qui est très influente au sein du Peuple-Fée de Vitskogen. Il se doutera que sa "trahison" lui aura inspirée une haine durable de l'humanité, la rendant plus agressive que d'ordinaire. Outre les attaques de Maja la sorcière et de sa maudite amie la licorne, les PJs entendront parler aussi de voyageurs qui s'étant écartés du sentier furent noyés par des Ondines alors qu'ils s'étaient penchés sur un cours d'eau pour s'abreuver, de Farfadets qui à la faveur de la nuit dérobèrent toutes les vivres, armes, chevaux et richesses d'un parti d'aventuriers, de nymphes folâtres qui auraient séduits d'honnêtes paysans pour les perdre à jamais au cœur de la forêt et se repaître de leur chair, après qu'ils eurent été épuisés par leur insatiable désir sexuel. Il appartiendra à Sveinn et à Ighieras de  distinguer le vrai du faux dans les rumeurs qu'ils entendront, à partir de leur connaissance du Peuple-Fée.
Les PJs pourront aussi faire la rencontre de vagants revenant de la forêt. De manière générale les informations valables qu'ils pourront glaner (au milieu d'un ensemble de carabistouilles) seront les suivantes :

- les créatures féériques de la forêt de Vitskogen sont particulièrement agressives à l'égard des mortels depuis quelques années (en fait depuis le meurtre de Sinëa).
- nous sommes au printemps alors attention aux abeilles : une fée aux cheveux rouges vêtue de noir les commande et peut se transformer en un essaim d'abeilles (il s'agit de Mellifère, la Kère qui protège la forêt).
- ne jamais s'éloigner du Sentier des Fées, même si des chants ensorcelleurs ou des Nymphes souriantes vous y incitent.
- même si on ne s'éloigne pas du sentier, Maja et sa licorne peuvent parfois s'en prendre aux voyageurs.
- ne jamais s'approcher des cours d'eau.
- il y a quelque part un arbre sacré mais il serait trop jeune pour être intéressant, le vieil arbre sacré ayant été abattu quelques années auparavant (Êleïa, une nouvelle Hamadryade est apparue après la mort de Sinëa et s'est liée à un tout jeune frêne).

Sur le Sentier des Fées le passage des PJs sera évidemment remarqué. Farfadets et Nymphes essaieront d'attirer personnes et chevaux hors de sentier, et si Sveinn ne prend pas la peine de se voiler le visage, ils sera reconnu par Lydia comme celui qui endeuilla la forêt par sa trahison. Même si les PJs restent sur le sentier, Lydia transgressera alors l'interdit pour s'emparer du jeune homme. Si elle y parvient, elle voudra le juger en présence de toutes les créatures du Peuple-Fée, dans un ancien temple appartenant à l'antique lignée du Peuple de la Nuit, datant de l'Âge d'Or. Si elle y parvient et que les autres PJs décident de se mettre à sa recherche, Erik pourra les guider jusqu'à lui. Erik agira paradoxalement comme une protection contre le Peuple-Fée, qui éprouvera à son égard un mélange d'aversion et de peur, et n'osera pas s'en prendre à lui. Le vieux temple a l'antique forme des temples grecs des premiers âges de l'hellénisme : une grande bâtisse ronde surmontée d'une voûte au sommet de laquelle une ouverture circulaire permettait jadis aux fumées des sacrifices accomplis dans le temple de s'élever vers les cieux. Cette bâtisse est recouverte de végétation, à moitié détruite, mais le Peuple-Fée s'y réunira pour juger Sveinn, enchaîné au centre, là où autrefois étaient tués les victimes propriatoires des anciens rites.

S'ils suivent Erik, les PJs parviendront sans encrombre jusqu'au temple, et pourront voir leur compagnon entouré de Lydia, Maja et toutes les créatures féériques des forêts, décrites dans l'article Peuple-Fée. Ils pourront voir notamment celle qui préside cette assemblée : Mellifère, la Kère protégeant la forêt. L'arrivée des PJs avec Erik suscitera crainte et stupéfaction chez les créatures féériques, qui n'oseront les attaquer, à moins qu'ils essaient de libérer Sveinn. La manière la plus simple de s'en tirer pour les PJs sera alors de participer au procès, dont la décision finale sera tranchée par Mellifère. L'accusation sera représentée par Lydia et Maja évidemment. Sveinn pourra parler pour lui-même mais sera réticent à le faire si le joueur joue correctement son personnage, car cela signifiera évoquer un passé douloureusement enfoui en lui. L'issue est relativement aisée pourtant : si les autres PJs parviennent à faire dire à Sveinn son histoire telle qu'elle s'est déroulée, expliquer comment Sveinn enfant fut trompé, et comment sa trahison n'était que le fait de l'inexpérience, les créatures féériques seront sans doute enclines à la clémence. La défense de Sveinn peut s'axer sur deux arguments :

- expliquer le concept de l'enfance au Peuple-Fée, qui n'en a aucune idée intuitive : Sveinn fut victime de sa naïveté enfantine.
- proposer une forme de réparation ou d'engagement de la part de Sveinn. Sveinn pourra éventuellement n'en avoir que faire à l'issue du procès et se considérer comme libre de tout engagement ou au contraire être durablement changé par cette expérience et se rapprocher de la vision d'Ighieras.

Erik n'interviendra pas pendant le procès, mais Mellifère posera des questions à son sujet aux PJs et leur demandera pourquoi un "fils de Tiamat" foule le sol de la forêt et respire comme un être mortel. L'hybridation entre une lignée mortelle et une lignée mortelle étant considérée comme une aberration par la Kère, Erik ne sera pour elle pas un être humain, mais une terrible abomination. Son regard sur l'enfant achèvera de renseigner les PJs sur sa nature inhumaine.
À l'issue de ce procès ou s'ils sont parvenus à traverser la forêt sans attirer l'attention sur eux et en résistant aux enchantements du Peuple-Fée, ils parviendront à Grünberg en une vingtaine d'heures de marche à cheval, le double à pied.

Grünberg est similaire à Ohrwurm dans la mesure où c'est une bourgade inquiète à l'orée d'une dangereuse forêt enchantée. En revanche elle s'en différencie par le caractère très particulier des colons westmarkiens. Comme les cinq autres villages libres du Westmark, Grünberg est protégée par des remparts de pierre et dirigée par le Thing, assemblée d'hommes libres qui élit chaque année lors du Jôl (cf. la Langue Runique) un Capitaine chargé des affaires courantes. Les pionniers sont des hommes habitués à défendre leur bien les armes à la main et à se faire justice eux-mêmes. L'absence de Runenmeister et de représentation du pouvoir royal les rend particulièrement libres dans l'interprétation des lois et coutumes norriennes. Ils sont courageux et prompts à la suspicion, jaloux de leur indépendance et très méfiants de tout ce qui est étranger. Dans l'ensemble ils sont plus ignorants que la moyenne des Norriens du fait de leur isolement et bien peu d'entre eux savent lire et écrire.

L'unique auberge de Grünberg (elle n'a pas de nom) est dirigée par Daggur Main-Lourde, un géant blond qui acquit ce surnom en raison de la facilité avec lequel il bat sa femme et ses enfants. L'auberge permettra aux PJs d'en apprendre plus sur le Westmark. Les conversations tourneront principalement autour du Thing rassemblant les cinq bourgades et le Margrave lors du prochain solstice d'été. Tous savent que le Margrave exigera la soumission des cinq villages, et que le Thing refusera, affirmant qu'il n'a nul besoin de la protection royale. Diverses discussions pourront éclore autour de ce sujet et les Westmarkiens en général seront partisans de préserver leur indépendance, insistant sur le fait qu'ils sont bien arrivés jusqu'à présent à se défendre contre les Gobelins, le Peuple-Fée et surtout les Zvols... C'est à cette occasion que les PJs pourront se faire raconter l'histoire de la guerre contre les Zvols, telle que la connaissent les Westmarkiens, l'intervention des Runenmeister, et mentionner que certains sont revenus fous de l'expédition punitive qui permit de ramener les captifs, dont la malheureuse Brynja Thorgalsdottir ("fille de Thorgal"), fille de Thorgal Olafson, devenu entretemps le Capitaine de Nah... Diverses rumeurs circuleront au sujet de cette jeune fille, et de sa mystérieuse disparition après la visite d'un certain marchand étranger du nom d'Italo Vespuci. Si Yr demande une description d'Italo et de ses acolytes, elle pourra reconnaître son ancien maître et quelques-uns de ses anciens condisciples.

C'est ici, ainsi qu'à l'étape suivante de leur voyage : Skol, que les PJs pourront apprendre toute l'histoire du Westmark et commencer à se douter d'un lien avec Erik. On peut même en rajouter avec quelqu'un qui - ayant connu Brynja - trouvera une ressemblance entre celle-ci et Erik.

À un moment dans la soirée l'auberge retentira d'atroces hurlements venant de la cave. Ces hurlements inhumains ne surprendront personne sauf les PJs. Les habitués se contenteront de hausser les épaules en parlant du "malheureux Oddgeir", le fils de Daggur Main-Lourde, que celui-ci doit souvent garder enchaîné à la cave à cause de ses crises de démence. Selon eux, ça fait depuis deux jours qu'il est particulièrement agité, il ne s'arrête de hurler que pour dormir, et ce soir ses cris sont particulièrement forts. Évidemment Oddgeir - ou plutôt Sto Let, le démon qui est en lui - ressent la présence d'Erik. Ses hurlements incompréhensibles sont des phrases décousues en démoniaque : "Le fils du Maître est ici... Ô enfant de la violence viens à moi... Viens me libérer de ces fers... Viens me libérer de cette prison de chair... Je veux à nouveau servir ton père... Contempler l'infinité des Abysses à nouveau... Libérer le Maître... Ils l'ont capturé, ils l'ont couvert de chaînes d'or, ils ont scellé sa prison d'un disque de fer... Je l'entends parler et il t'appelle à l'aide, enfant-démon..." . Broder sur le thème. Seule Yr pourra comprendre le détail de l'histoire, mais les autres PJs pourront remarquer que cette langue est celle que parle Erik naturellement. Si jamais Erik et Oddgeir sont mis en présence, Oddgeir se prosternera devant Erik et implorera son aide. Ils échangeront des paroles en démoniaque. Erik demandera à ce qu'on lui parle de son père (car Manassé ne lui en a jamais parlé), et Oddgeir s'exécutera avec force lyrisme. Erik demandera aussi où se trouve la fameuse grotte et Oddgeir répondra : "aux frontières de la Terre des Grands Irmensuls, dans une grotte près du chêne foudroyé". Daggur Main-Lourde s'opposera à ce que les PJs voient son fils, à moins que ceux-ci lui fasent miroiter un espoir de guérison. Il ignore la véritable nature de l'affliction d'Oddgeir. Si jamais les PJs lui révèlent que son fils est possédé par un démon, il réagira très mal et les flanquera à la porte. En revanche, si d'autres gens du bourg sont avertis, ils voudront en avoir le cœur net et pourront aller jusqu'à lyncher le malheureux Oddgeir, ignorant qu'ils libéreront Sto Let par ce biais. Si jamais Sto Let est libéré, il se contentera de suivre Erik à distance des PJs, attendant le moment propice pour lui offrir ses services.

Une rencontre - fortuite ou non - entre Sveinn et des gens de sa famille est également possible. Elle peut aider éventuellement à révéler des points supplémentaires de l'histoire, ou simplement être une bonne occasion de roleplay pour le joueur concerné. Sa famille le croit mort et sa réapparition sera accueillie de manière très mitigée. Son état de vagant inspirera la méfiance, méfiance qui sera d'autant plus forte s'il explique qu'il est en mission auprès du Margrave à Rabenheim.

Les PJs sont ensuite censés se rendre à Rabenheim, ce qui leur prendra deux jours environ en passant par Skol. Skol est similaire à Grünberg. Sur la route conduisant à Skol Ragnar et Ighieras sentiront la présence de Radzlom sous la forme d'un indistinct sentiment de malaise. Ils auront tous les deux des visions du chêne foudroyé, de Radzlom sous sa forme native, appelant son fils à lui, secouant sans cesse ses liens d'or. Éventuellement ils pourront parler en démoniaque dans leur sommeil sous l'influence de ces visions. Ighieras aura de plus des visions de ce qui est arrivé à sa mère, laquelle crie vengeance à travers les dimensions oniriques du Monde des Rêves qui le séparent de son fils. Ragnar quant à lui aura des visions des Frères-Panique, et du destin de Galdur, des blés fauchés par Loki... bref des fragments de son histoire et de celle de son tatouage. Mais ces visions devront rester parcellaires et incohérentes, car elles ne sont destinées à s'éclaircir que si les PJs choisissent de s'aventurer dans le Runnland pour s'adresser à un Runenmeister ou si le MJ choisit d'organiser une rencontre de cet ordre : un(e) jeune Runenmeister(in) peut par exemple se trouver à Nah ou dans les environs, à la recherche précisément du chêne foudroyé. Il serait intéressant qu'il ou elle soit lié(e) à un Ase plutôt combattif, comme Thor ou Freyja.

À l'auberge de Skol les PJs pourront faire une autre découverte : le Capitaine de Skol, Madgeir le Tordu (appelé ainsi à cause d'une cicatrice qui lui déforme le visage) est un vieux guerrier qui a combattu Gobelins, Peuple-Fée et Zvols. Il y a dans la cour intérieure de sa demeure des cages contenant quelques Gobelins, créatures faëriques (un satyre et une ondine) et Zvols maintenus en vie pour le plaisir des badauds prêts à payer un karlthaler pour voir ce sinistre zoo. Les PJs en entendront parler à l'auberge et pourront s'y rendre. Cela leur donnera un aperçu de la dureté des colons westmarkiens à l'égard de ceux qu'ils considèrent comme de la vermine. Les Zvols sont trois : deux hommes et une femme. Ils ont été capturés dans leur enfance et ont passé plusieurs années dans ces cages. Si Yr essaie d'entrer en contact avec eux, ils réagiront si elle leur parle en démoniaque, et par ailleurs seront manifestement très troublés par la présence d'Erik si celui-ci accompagne les PJs. Ils seront à la fois fascinés et effrayés, exprimant ainsi l'ambivalence des sentiments des Zvols à l'égard des Démons.

Les noms des trois Zvols sont de consonnance typiquement démoniaque : la femme s'appelle Griva ("crinière" en démoniaque, à cause de sa superbe chevelure noire qui semble animée d'une vie propre et se meut comme des tentacules, et pousse sur son cou, son dos et ses épaules en plus de son crâne), les deux hommes Grom ("tonnerre", en raison de sa voix grondante, terrifiante à entendre et de ses yeux sans pupille qui brillent dans le noir par intermittences comme un éclair) et Kaban ("sanglier" en raison des hideuses canines qui sortent de sa bouche). Outre ces particularités si peu humaines, libre au MJ d'en ajouter d'autres.

S'ils choisissent de libérer les prisonniers zvols ou féériques, ils devront s'introduire de nuit dans la demeure de Madgeir le Tordu, qui est une véritable petite ferme fortifiée dans le village. Rien qu'un peu d'escalade ou de crochetage ne puisse résoudre. Mais un guerrier (niveau 4) surveille la cour intérieure en permanence. S'il a le temps de donner l'alerte, Madgeir, son fils et sa fille interviendront. Madgeir est un guerrier de niveau 10 et ses enfants peuvent être considérés comme étant de niveau 6.

S'ils choisissent de passer leur chemin ou s'ils parviennent à libérer les prisonniers en toute discrétion, les PJs parviendront sans encombres à Rabenheim. Rabenheim n'est pas une bourgade fortifiée : c'est une véritable citadelle au sommet de laquelle flotte l'étendard royal ainsi que les couleurs princières. Rabenheim doit son nom aux innombrables corbeaux qui nichent dans ses tours. Les paysans dépendant de Rabenheim sont pour la plupart arrivés bien après les colons westmarkiens, et ils ont une mentalité très différente. Ce sont pour la plupart des serfs affranchis par les deniers du Roi, qui par conséquent ne remettent nullement en cause l'autorité royale et acceptent bien volontiers l'autorité du Margrave. Au lieu des milices populaires qui défendent les cinq bourgades, Rabenheim accueille une garde seigneuriale tout-à-fait classique aux ordres du Margrave.

La lettre de Maître Manassé permettra aux PJs d'être reçus immédiatement par le Margrave. Idéalement il serait intéressant qu'ils arrivent tard dans la nuit, que leur contact avec les gardes soit d'abord difficile jusqu'à ce qu'ils montrent le sceau de Maître Manassé. Dès lors ils seront au contraire introduits au plus vite auprès du Margrave qui - quoique manifestement tiré du lit - les recevra avec empressement. Les PJs pourront ainsi mesure l'importance de leur "colis". Il leur donnera la lettre devant servir de reçu et se montrera un hôte fort gracieux. On leur servira un bon repas, digne de la cour de Kristania, et on mettra à leur disposition d'excellentes chambres.
La lette porte le sceau démoniaque de Théophile Manassé et est elle-même rédigée en démoniaque. Si les PJs défont le cachet, Yr pourra traduire son contenu : Ceux qui vous ont apporté cette lettre doivent être accompagné de l'enfant, conformément à notre accord. Je ne saurais trop vous recommander d'utiliser cet enfant avec une extrême prudence, car le lignage ténébreux n'est pas à prendre à la légère, comme les gens de votre région ne le savent que trop. Je vous souhaite bonne chance et un prompt accomplissement de votre louable dessein de restaurer l'autorité royale au Westmark, et compte sur vous pour n'être point spolié de la part qui doit me revenir, sur votre futur butin de guerre. Quel usage auriez-vous d'ailleurs de certains des trésors que vous prendrez aux Zvols, puisque vous échouâtes à devenir mage?
À Rabenheim les PJs pourront constater que la forteresse semble se préparer à l'imminence d'une guerre. Des troupes de mercenaires engagées par le Margrave sont venues renforcer les soldats réguliers. Les PJs pourront d'ailleurs y retrouver d'anciens compagnons et être mis au courant des rumeurs circulant parmi les hommes : une nouvelle guerre éclatera bientôt entre les colons et les semi-humains monstrueux des Collines Brûlées.

L'heure du choix

À ce stade la mission des aventuriers est en principe finie, il leur suffit de rentrer à Kristania pour recevoir l'autre moitié de leur salaire. Mais le Margrave leur proposera une autre mission pour le moins... délicate, et surtout surprenante : aller à Skol et libérer les trois Zvols prisonniers de Madgeir le Tordu. Si les PJs lui disent que ces trois Zvols ont vu Erik, il en sera manifestement d'autant plus ravi. Il proposera de payer le groupe 300 wolfgulden pour ce travail. Il insistera pour que la libération se fasse au cours d'une nuit précise, dans trois jours, et qu'en fait les Zvols, loin d'être véritablement libérés, soient amenés à un endroit précis où ses propres gardes les récupéreront.

Le plan du Margrave est assez simple : se servir des trois Zvols prisonniers en tant que témoins de qui est véritablement Erik. Il est convaincu que cet enfant n'a pas le pouvoir de libérer son géniteur mais en revanche celui de se faire reconnaître des Zvols et de susciter en eux l'espoir d'un réveil de Radzlom. La mise en scène qu'il prépare est la suivante : il veut conduire Erik avec une petite troupe de guerriers qui lui soient entièrement dévoués et donner l'apparence qu'ils servent l'enfant-démon. Il veut faire croire aux Zvols que c'est sur l'ordre d'Erik qu'ils auront été libérés, puis utiliser Erik pour retrouver le lieu où Radzlom a été enfermé par les Runenmeister et ensuite appeler à un sacrifice de sang humain sans précédent pour trouver la force mystique suffisante pour contrer l'enchantement des Runenmeister, ce qui se traduira par une attaque soudaine et ravageuse contre les Westmarkiens, propre à faire changer ceux-ci d'avis quant à leur relation avec l'autorité royale. Il compte droguer Erik avec de la jusquiame pour le placer dans un état second qui lui permettra de s'instituer son porte-parole. Il connaît suffisamment de démoniaque pour cela.

Si les PJs acceptent et réussissent, ils n'auront aucune difficulté à se faire obéir des trois Zvols, qui sont très diminués par leur captivité, d'autant plus si Yr leur parle en démoniaque. Ils se rendront ensuite plus tard dans la nuit à un point de rendez-vous fixé par le Margrave qui les attendra avec une petite troupe de 6 guerriers fidèles (un de niveau 10 et les autres de niveau 6), naturellement le petit Erik drogué jusqu'aux yeux. Le Margrave présentera alors l'enfant aux Zvols comme l'héritier de Radzlom revenu venger les souffrances des Zvols et reprendre par le sang et le feu la terre du Westmark. Il sera voilé et se présentera lui-même comme un serviteur de l'enfant. Griva et Kaban réagiront en se prosternant devant Erik, Grom en revanche sera méfiant et apeuré. Griva et Kaban sont issus de la faction "pro-Abysses" mais Grom en revanche est issu de la faction "anti-Abysses". Si les PJs prennent la peine d'interroger Grom à ce sujet, il leur expliquera en termes plus ou moins décousus que son peuple est divisé et que sa famille a aidé les quatre "servants de Loki" (les Runenmeister) à enfermer Radzlom, "avant qu'on les pendît à nouveau". Cette dernière phrase fera écho pour Ragnar à ses visions, et si Grom ne saura pas en dire beaucoup plus, il expliquera que sa grande sœur Souma ("hors de son esprit" en démoniaque) fait partie des Devins qui honorent Ereshkigal et qu'elle a eu des visions du funeste destin de Galdur et des Frères-Panique. Elle a l'apparence d'une femme normale, hormis ses mains griffues et les yeux supplémentaires, dispersés sur l'ensemble de son corps. Elle pourrait en dire plus. Cela peut inciter Ragnar à la rencontrer pour en savoir plus.

Le Margrave se séparera alors du groupe des aventuriers qui devront ensuite décider eux-mêmes de la course à suivre. Le Margrave compte se rendre aux Collines Brûlées avec les trois Zvols et Erik, afin qu'Erik le conduise jusqu'à la grotte où Radzlom est enfermé, ce qu'il est en effet en mesure de faire et ce qu'il fera par défaut. Les Zvols quant à eux seront censés retrouver les leurs et leur expliquer que l'héritier de Radzlom est ici, et qu'il réclame vengeance. Erik en effet obéira au Margrave, en apparence sous l'effet de la drogue mais en réalité parce que Radzlom l'influence et demande en effet à être libéré. Par défaut la voix de son géniteur sera la plus forte chez Erik, seul un contact affectif humain peut l'amener à se détourner de son origine démoniaque, comme celui que peuvent choisir de lui offrir les PJs : la magie ici sera inutile, tout est affaire de psychologie, et de la manière dont les PJs choisiront de traiter le problème ou de ne pas le traiter.

Le plan du Margrave est ensuite très simple : une fois à la grotte, il y rassemblera les Zvols (dont il ignore que tous ne sont pas favorables à Radzlom) et appellera à la guerre totale contre les colons au nom de Radzlom, en un sacrifice qui brisera l'enchantement dont celui-ci est victime. Il compte ensuite disparaître avec ses sbires dès les premières hostilités, laissant Erik aux Zvols, une fois que l'affaire sera irréversiblement engagée vers un massacre total. Il rejoindra alors Rabenheim pour y prendre le contrôle de ses troupes et voler au secours des colons submergés par les Zvols, écraser définitivement ceux-ci autant que les velléités d'indépendance des Westmarkiens.

Il ignore bien entendu que Maître Manassé a en revanche prévu de libérer effectivement Radzlom pour le capturer ensuite et l'enfermer au sein de l'école de Serpent-Azur. Si les PJs ont encore l'améthyste d'Yr au moment où ils approchent de la grotte, cela suffira à Maître Manassé : il utilisera ses pouvoirs pour se téléporter dans la grotte au moment propice tout en se maintenant invisible (seuil de 30 au jet de volonté pour le voir) et influer sur les personnes présentes, essentiellement les Zvols. Car ce que propose le Margrave a de fait une chance de marcher : si suffisamment de vies humaines sont sacrifiées dans la grotte, le pouvoir des runes gardant Radzlom prisonnier sera brisé, pourvu qu'un mage démoniste soit là pour le faire, à savoir Manassé lui-même, qui agira sans jamais se montrer.

C'est à partir de là que les qualités du MJ vont pouvoir pleinement s'exprimer!