Une maison en Enfer


Mes yeux sont des papillons inutiles
 Qui dansent au feu de vos jours trop clairs
 Armés des lames courbes de mes cils
 Ils dévorent les contours de la chair


Tous les draps et les rideaux sont en fer
Dans ma petite maison en Enfer


 Ma peau a pris la couleur des déserts
 Elle est comme eux brûlante et solitaire
 Ce sel à leur surface et la mienne
 C'est le souvenir des mers anciennes


Même la viande a un goût de terre
Dans ma petite maison en Enfer


 Mes lèvres bleuies rêvent en silence
 Et trahissent un dévorant désir
 De parler l'idiome secret des soupirs
 Mais s'ourlent d'orages et de souffrance


J'ai assez de givre pour cent hivers
Dans ma petite maison en Enfer


Mes deux mains sont une araignée avide
Lassée d'attendre sur ses draps de soie
Les scorpions nus des contrées arides
Elle a fait du Temps son unique proie


Le sol est brûlant et les murs en verre
Dans ma petite maison en Enfer


Ma langue n'écoute pas le hasard
Elle est habile à dresser des remparts
S'allonge comme la Grande Muraille
Pour me protéger des épouvantails


La vue s'épuise et la voix se perd
Dans ma petite maison en Enfer


Mon ombre elle-même s'est enfuie
Il ne reste que toi auprès de moi
Prends donc la porte derrière toi
Et referme-la sans un bruit


J'ai même une jolie vue sur la mer
Dans ma petite maison en Enfer



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